Sur la nature réelle de l’observation rapprochée

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Sur la nature réelle de l’observation rapprochée

Article paru dans Lumières dans la nuit N°151 de janvier 1976

par Aimé Michel

I — LES CHIFFRES

Selon le sondage Gallup, du 29 novembre 1973, 11% de la population adulte américaine, soit 15 millions de personnes, disent avoir vu des OVNIs[1].

Ces résultats, quoiqu’impressionnants, ne permettent de connaître ni le nombre réel d’objets observés (plusieurs témoins pouvant avoir observé le même objet, un même témoin pouvant avoir observé plusieurs objets), ni combien de ces objets seraient restés «non identifiés» s’ils avaient été observés par des gens compétents, ni l’étrangeté de ces cas.

L’étude de Sturrock répond à ces incertitudes[2]. En effet, son sondage a été effectué parmi les personnes les plus aptes du monde à décider si un objet est identifiable ou non: les 1’175 membres de l’Institut Américain d’Aéronautique et d’Astronautique (de San Francisco); il donne le nombre total de ces cas non identifiés: 20; le nombre total des témoins: 33, dont 17 appartenant à l’AIAA; le nombre de cas à très haute étrangeté: 2.

Les études statistiques précédentes[3] avaient montré que la probabilité d’observer un OVNI est sensiblement la même pour toutes les catégories de la population. S’il y a une différence entre l’échantillon de Sturrock et l’ensemble de la population, on peut, semble-t-il, prévoir les causes suivantes de variation: d’une part les membres de l’AIAA peuvent être supposés les plus curieux de regarder le ciel; mais cette cause possible ne peut jouer aucun rôle dans les cas à très haut niveau d’étrangeté, où le témoin ne peut pas ne pas voir; d’autre part, les membres de l’AIAA sont des savants qui passent une grande partie de leur temps sous le plafond des laboratoires ou des bureaux et doivent être présumés moins souvent exposés à l’occasion d’observer un OVNI et surtout de rencontrer des UFOs au sol en rase campagne (ceux qui nous intéressent ici). Il semble donc qu’une attitude prudente autorise à prendre les résultats de Sturrock comme n’excédant pas, plutôt au contraire, ceux de l’ensemble de la population.

Table I – LES DONNÉES DE STURROCK

Étendue numérique de l’échantillon: 1’175
Nombre total de cas observés: 20
Nombre de cas à très haute étrangeté: 2
% total de cas pour l’échantillon: 1,7%
% des cas à très haute étrangeté: 0,17%

La population adulte totale des États-Unis considérée dans le Gallup 1973 est d’environ 136’000’000. Appliquée à cette population, les données de Sturrock donnent les résultats suivants:

Table II — OVNIS RÉELS SUR LES ÉTATS-UNIS

Nombre total de vrais OVNIs (1,7 % de 1,36 x 108): 2’312’000
Nombre total des OVNIs à très haute étrangeté: 231’200

Rien n’indique que les manifestations du phénomène présentent un caractère particulier aux États-Unis. Au contraire, toutes les études montrent jusqu’ici sa constance et son homogénéité dans le monde[4]. Si donc on étend les données de Sturrock à l’ensemble des pays à niveau technique avancé (dont la définition peut se discuter, mais dont on fixera difficilement la population à moins de un milliard trois cent millions) on obtient les résultats suivants:

Table III — OVNIS RÉELS DANS LES PAYS AVANCÉS

Nombre total de vrais OVNIs (1,7 % de 1,3 x 109): 22 x 10
Nombre total des OVNIs à très haute étrangeté: 2,21 x 10

On peut donc, à partir des données de Sturrock, évaluer à plus de deux millions le nombre de cas de très haute étrangeté observés jusqu’ici dans les pays à technique avancée.

II — DISCUSSION

La quasi totalité des cas à très haute étrangeté sont des atterrissages et observations très rapprochées.

Dans les pays avancés, la plupart des gens ont un appareil photographique, beaucoup ont une caméra. Ils sont loin d’avoir toujours avec eux ces appareils. Mais l’occasion de prendre des photos et des films très rapprochés, donc d’une haute qualité, avec beaucoup de détails, s’est produite jusqu’ici plus de deux millions de fois dans ces pays.

Or nous n’avons aucune photo, ni aucun film de cette sorte, alors que nous devrions en avoir des dizaines de milliers. Nous devrions posséder un stock complet et très nombreux de photos d’objets posés au sol avec les personnages de face, de profil, de dos, se livrant à leurs activités tant de fois décrites. Nous devrions avoir des films de tout cela. Nous n’avons rien. La panique, l’étourderie, l’outil, l’absence d’appareil peuvent expliquer que beaucoup d’occasions aient été manquées. Que toutes aient été ratées est insoutenable.

L’objection du très petit nombre de témoins qui se font connaître est également insoutenable. Un témoin n’ayant que son récit à rapporter a d’excellentes raisons de se taire, et s’il se tait son témoignage demeure en effet inconnu. Mais une photo ou un film sont des objets physiques qui s’égarent, se reproduisent, se propagent, surtout quand ils sont extraordinaires. Si nous n’avons ni film ni photo, c’est que, sur les deux millions d’occasions où ils auraient pu être pris, ils n’ont pas été pris une seule fois.

a) Première explication: il n’y a pas d’OVNI et tous les récits sont des fabrications.

Il y aurait donc plus de deux millions de fabricateurs. Dans ces deux millions, toutes les professions (on le sait par les statistiques) sont représentées proportionnellement à leur répartition sociale. Il y a donc le nombre requis de photographes professionnels, de truqueurs photographes professionnels, de réalisateurs professionnels d’effets spéciaux. Cependant tous ces individus, sans se concerter, auraient choisi un unique type de fabrication, le récit.

On dira qu’ils s’abstiennent parce que c’est difficile. Mais, 1) pourquoi? pourquoi n’y a-t-il pas des milliers de photos et de films mal truqués par des truqueurs présomptueux? 2) Nous avons des milliers de récits absurdes et maladroits. Pourquoi pas des milliers de photos absurdes et maladroites? (Je rappelle qu’il est question ici uniquement des cas à très haut indice d’étrangeté, ce qui en photo correspond à des photos détaillées, nettes, en gros plan). 3) Il est faux que, pour un professionnel, de telles fabrications soient difficiles. Cependant il n’en existe aucune.

Non seulement l’explication par la fabrication est insoutenable, mais l’absence de fabrication visuelle nous apprend quelque chose qui semble fondamental, à savoir que le détail du phénomène OVNI naît d’une source unique: la source orale, le récit.

b) Deuxième explication: l’OVNI rapproché ne peut être photographié.

Cela peut s’entendre de plusieurs façons: soit qu’il ne soit pas de nature physique (mais les traces au sol? les photos et les films éloignés? les détections diverses, au radar, au magnétomètre, etc.); soit que le témoin rapproché soit empêché d’user de ses appareils.

S’il est empêché d’user de ses appareils (ce que les cas que j’ai étudiés m’inclinent à admettre comme véritable explication) il faut que le témoin soit psychiquement contrôlé, et qu’il le soit à son insu. Nous avons quelques cas où des témoins, après coup, constatent qu’ils n’ont «pas pensé à se servir de leur appareil» et trouvent cet oubli «inexplicable». Il l’est en effet. Cependant cet oubli «inexplicable» est la règle universelle.

c) Autres remarques suggérées par les chiffres.

D’une statistique portant sur l’étude de 831 cas d’atterrissage avec traces, Ted Phillips a pu établir que la durée moyenne des atterrissages est de l’ordre de cinq minutes[5].

Si l’on admet que le nombre des atterrissages dans les pays avancés est de 2’000’000, on a donc 107 minutes, soit 19 années pendant lesquelles un OVNI est resté posé au sol quelque part dans les pays avancés sous les yeux d’un ou plusieurs témoins.

Si l’on admet que les personnes interrogées lors des sondages rapportent des cas survenus principalement au cours du dernier quart de siècle, il faut en conclure que chaque jour, un OVNI s’est posé au sol sous les yeux d’un ou plusieurs témoins pendant 19 heures en moyenne.

Ces calculs (et d’autres semblables) montrent tous combien est inexplicable l’absence de photos ou autres documents rapprochés.

III — PARENTHÈSE

Ces considérations ont pris comme base les données de Sturrock parce qu’elles contiennent à elles seules tous les éléments du calcul. On peut être tenté d’objecter qu’il est hasardeux de trop fonder sur une seule source.

Mais on aboutit aux mêmes résultats en partant des chiffres les plus sévères et les plus négatifs, par exemple de ceux donnés jadis par l’USAF, d’après lesquels seuls 2% d’OVNIs restent non identifiés. Il suffit que l’ordre de grandeur du nombre de témoins soit bien celui que donnent régulièrement les sondages.

Si 2% seulement des cas (chiffre le plus bas donné par l’USAF) restent non identifiés avec 11% de témoins, on a encore 2’800’000 témoins de vrais OVNIs. Évaluons à 1% la proportion des cas à très haut indice d’étrangeté (ce qui semble déraisonnablement peu à l’examen des catalogues), il reste 28’000 cas. Même avec ces évaluations réduites au-delà de toute possibilité, l’absence de photo et de film reste inexplicable. J’ai pu jusqu’ici rencontrer et interroger cinq témoins de la foudre en boule et comparer ce phénomène à l’observation rapprochée d’un OVNI. La foudre en boule semble plus rare, elle est plus inattendue, plus fugitive et plus pétrifiante que l’OVNI. Cependant il y a des photos de la foudre en boule.

IV — PREMIÈRES CONCLUSIONS

Pour des raisons inconnues tenant à leur nature, tout ce que nous savons ou croyons savoir sur ce que sont réellement les OVNIs vus de près provient d’une source unique: le récit fait après coup par les témoins rapprochés; mais la statistique semble ne pouvoir s’expliquer que si tous les témoins rapprochés sont sous le contrôle psychique de l’OVNI. (La seule explication de rechange serait que l’OVNI peut, à distance, effacer tout document que l’on prend de lui. Il y a un cas récent suggérant une telle possibilité. Mais pourquoi n’effacerait-il pas les photos prises de loin?) Il semble donc que nous devons admettre notre totale ignorance sur la nature, les apparences et le comportement réels des OVNIs vus de près[6].

À mon avis, nous ne commencerons peut-être à avoir une idée de ce qu’est réellement un OVNI que quand nous pourrons disposer de témoins impersonnels, n’offrant aucune prise à un contrôle psychique (station de détection multifonctionnelle comme celle que propose Poher).

En attendant, les récits des témoins doivent continuer d’être recueillis avec soin et considérés, non comme l’exposé de la vérité, mais comme un effet de l’observation rapprochée sur le psychisme humain. Peut-être trouverons-nous un jour un moyen fructueux d’analyser ces récits.

Nous ne savons pas si des témoins impersonnels échapperont plus que la pensée humaine à un contrôle de l’OVNI. Mais comme il est possible de modifier à l’infini des dispositifs artificiels (ce qu’il est impossible de faire sur le psychisme humain) peut-être la difficulté sera-t-elle un jour résolue de cette façon. J’avoue ne pas voir comment elle pourrait l’être autrement.

À mon avis, les faits exposés ici obligent aussi à d’autres conclusions, y compris dans des domaines éloignés de l’Ufologie. Mais il semble sage d’examiner d’abord si ces premières conclusions sont solides.

Aimé Michel, 29/9/1975

Notes:

(1) GALLUP RESULTS (APRO Bulletin, vol 22, N° 2 sept.-oct. 1973. Cette publication est toujours antidatée de plusieurs mois).

(2) Sturrock, Peter A: UFO Reports from AIAA Members, in Astronautics and Aeronautics, a publication of the america Institute of Aeronautics and Astronautics, Vol 12, N°5 May 1974, p. 60.
(Peter A. Sturrock est professeur d’Astrophysique à l’Université Stanford).

(3) Voir notamment le Rapport Condon et le Gallup cité en note (1).

(4) Poher Claude: Études statistiques sur 1000 témoignages d’observations études et réflexions à propos du phénomène OVNI; études des corrélations entre les enregistrements géomagnétiques et les témoignages d’observation.
Voir aussi l’UFOCAT de Saunders.

(5) Philipps, Ted: Physical Traces associated with UFO Sightings (Center for UFO Studies, juillet 1975, p. 129).

(6) Cf l’idée de «leurre», avancée par Fernand Lagarde.

 

P.S. — Après discussion de cet article avec plusieurs ufologues importants, dont M. Lagarde, je voudrais préciser deux points:

(1) Il ne faut pas oublier, en lisant les calculs ci-dessus, qu’ils ne doivent être pris que comme des invitations à réfléchir. Pour être définitivement probantes, des statistiques doivent se fonder sur des très grands nombres. Ici il nous manque le pourcentage des témoins se disant très rapprochés dans les sondages Gallup. J’y ai suppléé par les résultats Sturrock, qui se fondent sur un échantillonnage trop restreint, et par des catalogues, qui ne représentent peut-être pas un échantillonnage. Malgré cela, l’absence de photo ne me semble pas explicable.

(2) Avant d’accepter le «contrôle psychique» comme explication, il faut explorer toutes les autres hypothèses moins dramatiques. En particulier, il est possible que les propriétés optiques de l’OVNI soient telles que de près il brûle toutes émulsions.

 

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