Biographie

Biographie

Extraits de l’avant-propos de Jean-Pierre Rospars au livre La clarté au coeur du labyrinthe, Éditions Aldane, 2008

 

Aimé Michel naît le 17 mai 1919 à Saint-Vincent-les-Forts (Alpes de Haute-Provence) dans une famille de quatre enfants. À cinq ans il contracte la poliomyélite mais, en raison d’une erreur de diagnostic, on le soigne pour une méningite. Il subit plusieurs opérations. Par la suite il retrouve sa mobilité mais dans un corps déformé, lacé dans un corset de cuir. Une des clés, sans doute la plus importante, pour comprendre sa vie méditative et sa chaleur communicative, réside dans cette maladie. L’enfant y découvre à la fois la souffrance intense, la prééminence de la conscience et la compassion d’autrui. S’il survit, c’est en grande partie grâce au dévouement de ses parents. On peut voir dans cette épreuve surmontée l’une des sources de son sentiment d’appartenance à une lignée et à une histoire qui, plus que son apport propre, ont fait de lui ce qu’il est, de son rejet du matérialisme, de sa confiance indéfectible en l’avenir. Toutes idées mises à mal dans l’ambiance culturelle contemporaine, ce qui explique le soin qu’il prend à les exprimer.

Il étudie aux universités de Grenoble, Aix et Marseille. Il obtient sa licence de philosophie en 1939 et des «certificats d’études supérieures» en psychologie (juin 1940) et en études littéraires classiques (juin 1942). En 1941 il est «répétiteur» en lettres classiques (français, latin et grec) à Grenoble. Avec un détour inattendu: en 1943, il réussit, à Paris, le concours d’entrée à un stage de formation d’ingénieurs du son proposé par le Studio d’Essai de la Radiodiffusion Nationale que Pierre Schaeffer vient de créer. Tandis que les activités officielles du Studio – recherches d’un mode d’expression radiophonique original encore à l’état naissant – se doublent bientôt d’activités clandestines (c’est du Studio d’Essai que partira le 22 août 1944 l’appel aux armes de l’état-major FFI), Aimé Michel, prétextant une «affaire de famille grave et urgente», rejoint dans les Alpes le maquis créé par son frère Joseph. Après la guerre, il retrouve ce qui est devenu la Radiodiffusion Française, mais dans un autre service, celui des ondes courtes où il travaille jusqu’en 1958. Cette année-là, il se marie et de cette union naîtront trois enfants.

C’est en 1952, à l’occasion d’une émission sur la météorologie nationale, que vont commencer ce qu’il appellera ses «tribulations de chercheur parallèle»[1]. À mi-temps de Kenneth Arnold et de Spoutnik I, il prend connaissance de deux rapports d’observation de phénomènes lumineux inexpliqués en Afrique équatoriale et à la station météo de Villacoublay. Un an après son premier livre, Montagnes héroïques (1953), sur une histoire de l’alpinisme, il publie Lueurs sur les soucoupes volantes (1954), la première étude sérieuse sur ce sujet controversé. Peu vendue en France, sa traduction américaine (1956) le fait connaître outre-Atlantique. Mais c’est surtout Mystérieux Objets Célestes (1958) qui assure sa renommée internationale. Il y décrit par le menu les nombreuses observations de l’automne 1954 en Europe occidentale et pense y discerner un ordre, leurs alignements au cours d’une même journée. Le livre suscite un intérêt considérable et le met en relation avec de nombreuses personnalités du monde scientifique et littéraire, mais la notoriété de ses travaux sur les ovnis a pu aussi masquer la diversité de son œuvre. C’est dans cette période de sa vie qu’il se lie d’amitié avec Jean Cocteau, Samivel, Jean Guitton, Michel Carrouges, Jacques Bergier, Louis Pauwels, Paul Misraki, Rémy Chauvin, Olivier Costa de Beauregard, Pierre Guérin, Jacques Vallée, André Cailleux et bien d’autres.

Au cours de ces années il écrit beaucoup et sur de multiples sujets dans Science et Vie, La vie des bêtes, Atlas, Archeologia, Animal Life, Fiction, Flying Saucer Review Mais c’est sa collaboration à Planète[2] qui est la plus remarquée. Cette revue, inspirée par Jacques Bergier, créée et dirigée par Louis Pauwels[3] en 1961, a eu un tel retentissement qu’on a pu y voir un phénomène de société. «Aucune revue intellectuelle française n’a atteint les cent mille exemplaires et suscité trois éditions étrangères»[4]. Sa présentation, son iconographie, son ouverture à la science-fiction, son traitement des thèmes scientifiques engendrèrent de multiples commentaires, admiratifs ou critiques. Robert Escarpit, éditorialiste au Monde, donna un résumé ironique de l’opposition critique: selon lui les collaborateurs et les lecteurs de Planète étaient des «malheureux qui, dans un univers où ils s’ennuient, font des efforts pathétiques pour donner un goût étrange et rare à la plate réalité quotidienne», au lieu d’avoir la sagesse de «regarder tourner l’ingénieuse machine à moudre le vide qu’est la création». On ne saurait mieux exprimer la conception du monde contre laquelle s’élevait Aimé Michel. Ce dernier se révéla l’un des collaborateurs les plus notables de Planète[5] qui lui dut, selon Jacques Mousseau, «quelques-uns de ses meilleurs textes par l’originalité du sujet, l’élévation de la réflexion et la qualité du style»[6].

Au début des années 1960, Aimé Michel, qui a gardé son statut de journaliste à la Radiodiffusion devenue Radio-Télévision Française, rejoint Pierre Schaeffer, polytechnicien et musicien, qui vient de fonder le Service de la Recherche. Créé le 1er janvier 1960, ce Service est chargé notamment «de promouvoir des études d’ensemble sur l’interdépendance des aspects technique, artistique et économique de la radio et de la télévision» et d’animer des centres expérimentaux. Après 1964, dans le cadre de ce qui est désormais l’ORTF (Office de Radio-Télévision), il jouera le rôle de banc d’essai pour de jeunes auteurs et des formules nouvelles d’émissions de télévision.

Dépendant directement de Pierre Schaeffer, Aimé Michel y gagne la possibilité d’organiser son travail à sa guise, entre Paris et Saint-Vincent-les-Forts. Son apport concerne essentiellement l’information scientifique et la philosophie des sciences, ainsi que le rôle des savants dans la société contemporaine. Il contribue à la série Un certain regard, produite par Michel Treguer puis Jacqueline Adler. C’est dans ce cadre professionnel qu’il rencontre des scientifiques célèbres, entre autres Louis de Broglie, Alfred Kastler, Louis Néel et Konrad Lorenz, pour ne citer que des prix Nobel.

En 1974, Giscard d’Estaing, élu à la Présidence de la République, réforme l’ORTF. L’Office, tenu pour «ingérable» depuis les événements de 1968, est éclaté en six sociétés: trois sociétés de programme correspondant aux trois chaînes de télévision de l’époque, la radio, la production et la diffusion. Les archives audiovisuelles, la formation professionnelle et la recherche ont été oubliées. Pierre Schaeffer obtient in extremis auprès des parlementaires, en plein mois d’août, un amendement qui regroupe ces trois fonctions dans un septième organisme, l’Institut National de l’Audiovisuel (INA). Mis en disponibilité, il prend sa retraite l’année suivante. C’est l’occasion pour Aimé Michel d’obtenir, lui, une pré-retraite. «C’est enfin, à cinquante-cinq ans, octroyés par un hasard longuement sollicité, le silence, la solitude, la liberté»[7]. Il s’installe alors à plein temps à Saint-Vincent et se consacre dès lors «à la lecture et à l’étude de plusieurs domaines scientifiques».

Puis surviennent deux années difficiles durant lesquelles il subit une dizaine d’interventions. Hospitalisé une première fois à Gap en 1987, il l’est à nouveau l’année suivante, à Charmes, où réside sa fille. Peu avant Pâques il frôle la mort. Affaibli, il n’écrit plus par la suite que pour Arts et Métiers Magazine et France Catholique. Il revient à Saint-Vincent en juin 1990 et y décède deux ans et demi plus tard, dans la nuit du 28 décembre.

Jean-Pierre Rospars

 Notes:

[1] Voir son article Les tribulations d’un chercheur parallèle, Planète n° 20, janvier-février 1965.

[2] Gabriel Veraldi a fait paraître sous le titre Planète un choix d’articles de cette revue avec des introductions de Louis Pauwels, Jacques Mousseau et Jean-Paul Bertrand (Éditions du Rocher, 1996).

[3] Pauwels crée et dirige successivement Planète (1961-1968), Le nouveau Planète (1968-1970) et Question de (1973-1979) qui se poursuit au-delà mais avec un autre directeur et une autre orientation. Aimé Michel contribue régulièrement à cette série.

[4] J.-P. Bertrand, Planète (Éd. du Rocher) op. cit.

[5] Une anthologie de ces articles est donnée dans Michel Picard: Aimé Michel ou la quête du surhumain (Orion, 1997 puis JMG éditions, 2002).

[6] Planète (Éd. du Rocher) op. cit. p. 38.

[7] Question de n° 7, p. 51 (2e trim. 1975).