Les OVNI renouvelleront la science – Interview d’Aimé Michel par Jean-Claude Bourret

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Les OVNI renouvelleront la science

Interview d’Aimé Michel par Jean-Claude Bourret, dans La nouvelle vague des soucoupes volantes,
France-Empire, 1974, pp. 280-293

 

Aimé Michel c’est le spécialiste français des OVNI. Né en 1919, Licencié en philosophie, il entre en 1944 à l’O.R.T.F. en passant le concours des ingénieurs du son du studio d’essai. Maintenant, Aimé Michel travaille au service de la recherche, ce qui lui va fort bien étant donné la spécialité qu’il a choisie. Il a déjà publié deux ouvrages qui font autorité: Lueurs sur les soucoupes volantes (Mame, éditeur. Paris 1954) et Mystérieux objets célestes (Arthaud. Paris 1958). Deux ouvrages malheureusement épuisés. L’interview qu’il m’avait accordée a elle aussi disparue. Mais, Aimé Michel a eu l’obligeance de m’accorder un second entretien que voici.

– Aimé Michel, depuis combien de temps étudiez-vous les OVNI?

– Oh! depuis le déluge… Vous savez que, pour l’histoire, les OVNI, cela commence avec l’observation de Kenneth Arnold, en juin 1947, dans l’État de Washington. En fait, j’avais déjà alors dans mes dossiers toutes, je dis bien toutes les coupures de presse françaises sur la vague d’observations scandinaves de 1946. Je croyais alors, comme tout le monde, qu’il s’agissait d’engins allemands récupérés, que les Russes essayaient sur la Baltique. Quand le livre de Keyhoe parut en 1950 (il s’agit de The Flying Saucers are Real, premier livre sur les soucoupes volantes), il était tellement mal présenté que je changeai d’idée: je pensai que tout cela était probablement faux, inventé de A à Z par de mauvais journalistes. Mais peu après, en préparant pour la radio une émission sur la météorologie (vous voyez bien qu’il s’agit du déluge!) un ingénieur de la météo nationale, Roger Clausse, me montra un dossier d’observations transmises par les stations. Je fus très étonné de retrouver dans ce dossier des cas exactement identiques à ceux du livre de Keyhoe. Il y avait donc quelque chose! Mais quoi?

«J’approfondis mon enquête, je fis la connaissance du capitaine Clérouin qui dirigeait alors les services de renseignements de l’armée de l’air sous les ordres du général Chassin. Clérouin m’aida beaucoup. Et finalement, en 1953, je me trouvai à la tête d’une documentation assez substantielle pour écrire un livre. Quelle aventure! Je ne me doutais pas, quand il parut, en 1954, que ma vie était jouée…

– Jouée et gagnée?

– Gagnée dans un sens, car ces vingt dernières années, j’ai l’impression, j’ai même la certitude, de les avoir vécues au cœur d’une révolution philosophique comme il n’y en a peut-être pas une par millénaire, qui sait? Peut-être même est-elle la révolution la plus importante de l’histoire… Mais ma vie fut, en partie perdue, aussi, quand je pense à la solitude, à la frustration que nous avons connues pendant tout ce temps-là.

– Nous?

– Oui. Dans les semaines qui suivirent la parution de mon livre, je reçus deux lettres. L’une de Jean Cocteau qui me disait: «Quand on y réfléchit, ce qui serait vraiment étonnant, ce serait qu’elles n’existent pas.» Elles, c’étaient évidemment les soucoupes. L’autre lettre que je reçus était signée par un astronome dont le nom vous est familier…

– Pierre Guérin?

– Pierre Guérin. Et lui me disait à peu près: «Ni vous ni moi ne savons si c’est vrai, mais rien n’est plus important que de le savoir.» Il me disait aussi: «Naturellement, cette lettre est confidentielle. Je suis obligé de vous faire confiance.» La lettre de Pierre Guérin ouvrait une longue amitié. Je découvrais que pour étudier ce problème, il fallait d’abord du courage. Il ne fallait craindre ni l’inquisition, ni la mauvaise réputation. Depuis lors, j’ai aussi établi des liens d’amitié avec je crois, tous les hommes de science du monde qui s’intéressent à la question. Ils sont bien divers, vous vous en doutez, mais ils ont quelque chose en commun: le courage et la curiosité, le désir de savoir.

– Le désir de savoir, chez le savant, cela va de soi!

– Sans doute! sans doute! mais il y a plusieurs voies vers la vérité, et toutes ne sont pas scientifiques! Celle du policier n’est pas celle du savant, cela a été dit souvent au cours de votre émission. Relisez le début du rapport Condon. Condon y explique, dès la première page, que faire de la recherche scientifique, c’est d’abord choisir une spécialisation, l’étudier à fond, puis voir sur quoi faire porter son effort. Cela implique que toute recherche doit se faire dans un cadre pré-existant, en progressant du connu à l’inconnu. Le connu, en matière d’OVNI, où est-il?

– Le fait que le rapport d’observation existe, c’est du connu! Le rapport existant, il faut l’étudier!

– D’accord! Mais dans quel cadre pré-existant allez-vous le caser? Or, pas de cadre, pas de méthode. Et pas de méthode, pas de science! C’est pourquoi Condon en arrive, à peine quelques pages plus loin (c’est-à-dire dès le début d’un rapport de presque mille pages!) à déclarer que le problème des OVNI ne présente aucun intérêt scientifique. Je crois que le fond de sa pensée était: «même si c’est vrai, c’est rigoureusement sans intérêt». D’ailleurs, cela m’a souvent été dit, et d’un ton sec et sans réplique.

– Et que répondez-vous dans ce cas-là?

– Cela dépend du temps que l’on m’accorde! Combien m’accordez-vous?

– Allez toujours! Si c’est trop long, je coupe!

– Bon! Raisonnons sur des faits. En 1953, au moment où j’essayais de trouver un fil conducteur parmi les cas déjà connus, un fait intéressant m’était apparu en classant les cas où les témoins signalaient des changements de couleurs, je parle de changements de couleurs de l’OVNI lors de ses évolutions. Si vous permettez, je vais lire le passage consacré à cette question dans mon premier livre Lueurs sur les soucoupes volantes, page 159: «les couleurs signalées semblent en rapport avec la vitesse, ou mieux avec l’accélération. Le gris argenté nimbé de rouge sombre correspond aux mouvements très lents ou à l’immobilité. Puis, vient le rouge vif … Aux fortes accélérations apparaissent le blanc, le vert, puis le bleu et le violet. Il est remarquable qu’il y ait concordance entre l’accélération et l’énergie du rayonnernent… Certains mouvements rapides mais uniformes offrent des couleurs peu «énergiques» ce qui semble bien confirmer l’hypothèse d’une concordance entre la couleur émise par l’objet et la force développée à chaque instant par son moteur». Soit dit en passant, maintenant, j’écrirais le mot «moteur» entre guillemets.

«Vous voyez, j’émettais l’hypothèse d’une relation entre l’énergie développée par le «moteur» et l’énergie du rayonnement émis. Cela fut publié en 1954: or, cette même année, en automne, la plus formidable vague d’observations de l’histoire de l’ufologie déferla sur le monde. En octobre-novembre 1954, il y eut parfois jusqu’à soixante observations rapportées par jour! Je mis près de trois ans à rassembler et analyser les seuls cas survenus en France ou non loin des frontières françaises. L’énorme dossier de l’automne 1954 me donnait l’occasion de vérifier mon hypothèse, et, je l’espérais, de la préciser, peut-être d’en tirer des enseignements sur la physique des OVNI.

«Hélas, je dus déchanter, et je crois bien que c’est à l’occasion de nos discussions sur ce sujet que Guérin énonça pour la première fois sa fameuse «loi de Guérin» (une boutade, mais qui exprime bien les embêtements familiers de l’ufologue): «En ufologie, toute loi une fois découverte et démontrée est aussitôt réfutée par les observations suivantes!»

«En effet, si les OVNI de 1954, comme leurs devanciers, dispensaient bien leurs feux d’artifice colorés, si, en gros, l’énergie des couleurs semblait peut-être corrélée avec celle des accélérations et décélérations, en revanche, dans beaucoup de cas, pour une couleur ou plusieurs, cela ne «collait» pas. Par exemple, lors d’une accélération, le bleu apparaissait d’abord, puis l’orange, puis le blanc. Ayant, du moins je le croyais, tout examiné à la loupe, je crus devoir admettre que décidément trop de paramètres du phénomène m’échappaient, et je renonçai à trouver une corrélation quelconque jusqu’à l’apparition d’une nouvelle piste. Je finis par n’y plus penser.

«Maintenant, regardez ce livre (Aimé Michel me montre Ufology de James Mac Campbell, éd. Jaymac, 12, Bryce Court, Belmont, 94002 Californie). Je viens de le recevoir des États-Unis. Son auteur est un physicien de Californie, spécialiste des réacteurs nucléaires. L’Amérique est un pays étonnant. Toutes les idées finissent par y tomber sur le spécialiste idoine. Ce physicien, qui s’appelle Mac Campbell, lit mon livre, se dit: «Il y a peut-être quelque chose à quoi ce Français n’a pas pensé.» Il accumule, grâce à Jacques Vallée, une épaisse documentation sur les OVNI multicolores, et sort bel et bien du cul-de-sac où je m’étais fourvoyé!

– C’est-à-dire?

– C’est-à-dire qu’au lieu de classer les énergies croissantes ou décroissantes du rayonnement, il classe les potentiels d’ionisation des gaz de l’atmosphère. Il trouve alors que c’est le xénon qui a les plus bas potentiels d’ionisation, donc qu’il est le premier gaz à devenir lumineux quand l’énergie d’excitation s’accroît. Et la lumière émise par le xénon est un bleu intense et pur! Il n’est donc pas étonnant que la première couleur signalée soit souvent le bleu. Je ne sais pas s’il a raison! Mais, premièrement, son hypothèse est claire, solide. Elle s’exprime dans le langage éprouvé de la physique quantique. Deuxièmement, on peut la tester: il suffit de récolter les témoignages par milliers et les classer. Vous pensez si les Papous, et même les Français moyens dans leur ensemble (et la statistique c’est ça) sont capables de décrire les évolutions d’un engin imaginaire en conformant leurs visions aux exigences de la physique quantique et des potentiels d’ionisation des gaz atmosphériques! Car, troisièmement, il semble bien que Mac Campbell ait raison. Quand on a pu tester cette ionisation, par exemple sur un lieu d’atterrissage, comme cela s’est produit récemment en France, on trouve bel et bien qu’elle a été modifiée. Dans le cas dont je vous parle, l’ingénieur qui arrivait sur les lieux a retrouvé l’emplacement exact de l’atterrissage, qu’il ignorait, simplement en surveillant les réactions de son ionomètre.

– Mais, attendez, ce que vous expliquez là, c’est plutôt une preuve par la physique qu’une élucidation de la physique des OVNI? Une simple preuve de plus?

– Mais c’est très important. Dans ce cas particulier, Mac Campbell fait la preuve que, contrairement à ce que dit Condon, l’étude des OVNI peut progresser dans le cadre des méthodes pré-existantes.

«Bien sûr, au départ, il y a les témoignages. Bon! Et alors? C’est regrettable, mais j’ai la faiblesse de croire que l’esprit scientifique consiste à étudier les phénomènes tels qu’ils sont, plutôt que d’attendre, pour les étudier, qu’ils se conforment à nos exigences. Le phénomène, ici, c’est: il existe des millions de gens qui disent avoir vu des OVNI (voir le sondage Gallup de novembre 1973). Et le problème est de savoir si c’est vrai, et si oui qu’est-ce qu’ils ont vu, de le savoir avec ce qu’on a. Eh bien, Pour commencer, soit, doutons de tous ces témoignages, puisque témoignages il y a. Classons-les sans nous prononcer. Il se trouve qu’ils respectent les lois de la physique quantique. Ce sont, si vous le voulez, des inventions de cinglés, mais qui obéissent à la physique quantique.

«Et d’ailleurs j’exagère, il n’y a pas que les témoignages, il y a les enregistrements et les mesures. Smith a montré le complet parallélisme des statistiques des pannes électriques publiées par le Bureau américain de l’énergie avec les statistiques de passage d’OVNI publiés par l’U.S. Air Force. Poher a montré de même que la composante verticale du géo-magnétisme est perturbée par les OVNI.

– Oui, mais n’empêche, tout cela, ce ne sont que des preuves supplémentaires, des «évidences» comme disent les Anglais. Qu’est-ce que cela nous apprend au juste sur les OVNI eux-mêmes?

– C’est une autre question. Il y a deux questions sur la physique des OVNI: qu’est-ce que la physique nous apprend sur les OVNI? Et qu’est-ce que les OVNI nous apprennent sur la physique? Et encore une troisième question, plus fondamentale: qu’est-ce que la physique des OVNI nous apprend sur la philosophie de la science, je dirai même sur la raison humaine, instrument de sa réflexion scientifique, et finalement de sa destinée?

– Donc, première question: qu’est-ce que la physique nous apprend sur les OVNI?

– Prenons l’exemple d’un fait rapporté par d’innombrables témoins et qui à première vue semble dénué de toute signification: la descente en feuille morte, ou en pendule. Dans certaines circonstances, toujours les mêmes, l’objet, en perdant de l’altitude, se balance comme une feuille morte. Puisque nous avons mon premier livre sous la main, prenons un cas ancien, rapporté par deux officiers et trois hommes de la Royal Air Force le 19 septembre 1952. Ce cas fut observé au-dessus de la base aérienne de Dishforth au cours des manœuvres «Grande Vergue» des forces navales et aériennes de I’OTAN. Voici un passage du rapport rédigé par le lieutenant John W. Kilburn: «Tandis que nous suivions du regard le disque qui poursuivait sa course, nous le vîmes réduire sa vitesse pendant quelques secondes, puis commencer à descendre. Quand il commença à perdre de l’altitude, il se mit à osciller en feuille morte, ou, si l’on veut, à la manière d’un pendule. Le «Météor», (il s’agit d’un chasseur à réaction de la R.A.F. dont les cinq hommes suivaient l’atterrissage) obliqua pour faire le tour du terrain avant de se poser. L’objet commença à le suivre, mais, après quelques secondes, s’arrêta. Il sembla rester en suspension dans le ciel en tournant sur lui-même comme une toupie. Soudain il, accéléra et fonça à une vitesse foudroyante vers l’Ouest où il disparut.» Je le répète, cette description est typique d’un très grand nombre d’autres, faites à d’autres dates et dans tous les pays, je pourrais vous en citer pendant des heures.

«Et maintenant, réfléchissons. Dans un engin qui se soutient en altitude, qu’est-ce qui détermine les mouvements verticaux (descente, montée, éventuellement sur place)? C’est le rapport du poids de l’engin à la force verticale qu’il développe pour monter, descendre, ou maintenir une altitude constante. Si la force verticale est égale au poids, il maintient son altitude, si elle est supérieure, il monte, et si elle est inférieure, il tombe. Supposons que le dispositif de l’engin exerce cette force dans l’axe, c’est-à-dire perpendiculairement à son plan, on comprendra que pour perdre de l’altitude, il est bien plus simple de garder cette force constante, de ne pas la modifier, et de se borner à incliner alternativement l’engin à droite et à gauche. Car alors la force se dédoublera alternativement en deux composantes, une verticale et une horizontale, cette dernière changeant de sens à chaque oscillation, et la composante verticale variant avec le cosinus de l’angle d’inclinaison. L’analyse de cette manœuvre, analyse tout à fait conforme à la mécanique la plus simple et la plus classique, aboutit à prévoir exactement ce que décrivent les témoins! Et attendez! Toujours dans le cadre de cette mécanique élémentaire, quel est le moyen le plus simple de mettre fin à cette oscillation, quand on estime avoir suffisamment approché le sol? C’est de déclencher une rotation rapide, car on provoque ainsi la stabilisation par effet gyroscopique. Eh bien, c’est précisément encore ce que décrivent les témoins. Cette stabilisation verticale sera en particulier nécessaire avant la reprise de la progression. On verra donc stationner en tournant juste avant le départ. Encore une fois, c’est bien ce que les témoins décrivent!

«La physique, plus précisément la mécanique, nous apprennent donc (nous le voyons dans ce cas particulier du mouvement pendulaire) que les OVNI se comptent comme des objets matériels se conformant docilement, et jusque dans les conséquences les plus compliquées, à certaines de nos lois.

– Certaines? Pas toutes alors?

– Eh non! Même dans l’exemple que je viens de décrire, il y a des détails incompréhensibles, et c’est par eux qu’on aborde la deuxième question: Qu’est-ce que les OVNI nous apprennent sur la physique?

– Des exemples?

– Oh! Il y en a! Mais même là, il n’y a aucune incohérence, comme vous allez le voir. Cela nous dépasse, mais cela se tient.

«Premier point: cette force perpendiculaire au plan de l’objet et qui peut n’être pas verticale, quelle est-elle? Notre physique n’en n’a qu’une en magasin: la réaction. Réaction des pales de l’hélice sur l’air dans le cas de l’avion ou de l’hélicoptère. Réaction à l’inertie des gaz éjectés dans le cas de la fusée. Avec les OVNI, on ne voit aucune réaction imaginable. Au premier abord, je dis bien au premier abord, c’est embêtant. Les cas d’observations rapprochées, et souvent les traces (par exemple dans le cas de Poncey sur l’Ignon en 1954), montrent que l’espace entourant l’objet semble pris comme l’OVNI lui-même dans une sorte de champ de force. Contrairement à ce qui se passerait s’il y avait réaction, les objets, y compris l’air, sont entraînés avec l’OVNI, et non pas rejetés en arrière. Si l’on réfléchit à ce que cela suppose, on est entraîné à se poser des questions sur notre physique la plus avancée, sur la nature de la gravitation, sur celle de l’inertie, sur l’hypothèse que la masse inertielle et la masse gravitionnelle sont égales (c’est une hypothèse avancée par Einstein). C’est là une réflexion pleine de périls, on risque très vite de dire des sottises, par exemple d’inventer le mouvement perpétuel! Si ce n’était un peu fastidieux, je vous indiquerais un joli moyen de résoudre définitivement la crise de l’énergie avec les hypothèses avancées par certains théoriciens imprudents et surtout ignorants, qui, sous prétexte de physique soucoupique, en prennent à leur aise avec la bonne vieille physique des physiciens, celle qui marche, celle qui est vérifiée par l’expérience. La première règle pour spéculer sur la physique des OVNI, c’est, d’abord, de bien connaître la physique des savants! Sinon, on fait ce que les Anglais appellent de la «kitchen physics», disons de la salade! La deuxième règle, c’est de bien connaître les faits observés dans leur détail, de commencer par examiner des milliers de cas à la loupe, par les confronter patiemment en se retenant de faire trop d’hypothèses.

«Cependant, nombre de faits intéressants sont déjà bien attestés. Voyez par exemple la rotation en fin de mouvement pendulaire. J’ai dit tout à l’heure que cette rotation était le meilleur moyen de mettre fin à l’oscillation grâce à un effet gyroscopique. L’ennui, c’est que pour se mettre à tourner, l’OVNI devrait prendre appui sur quelque chose qui ne fasse pas partie de sa masse: sinon, pas d’effet gyroscopique. On devrait donc voir les nuages, par exemple, tournoyer autour de lui, ou en basse altitude, les objets du sol. On devrait les voir tourner en sens inverse de l’OVNI (sauf quand la rotation ralentit par freinage). Eh bien, si les témoins ont bien observé, on ne voit rien de tel. Les traces au sol montrent bien, très souvent, un mouvement de rotation. Mais il semble que ce soit dans le même sens que l’OVNI. Sans entrer dans le détail, il semble, au vu de ce qui a été observé, que la rotation offre des difficultés théoriques de même nature (par rapport à ce que nous savons) que le moyen inconnu de sustentation et le moyen de propulsion, la même «étrangeté»: tous ces comportements semblent violer le principe d’égalité de l’action et de la réaction.

«Mais ce qui est intéressant, c’est qu’ils semblent le violer de façon identique, cohérente, ce que naturellement les témoins ne peuvent prévoir quand ils racontent des histoires sans rapport entre elles: si ces faits le violent de façon cohérente qu’est-ce que cela signifie? Eh bien, il y a là quelque chose de familier à quiconque connaît un peu l’histoire des sciences, c’est la découverte d’un fait nouveau inexplicable, comme la métrique du corps noir juste avant Planck, comme l’expérience de Michelson juste avant Einstein, comme peut-être la découverte des quasars. Quand un tel fait se produit, cela aboutit toujours à une révolution scientifique. Et la masse des faits observés à propos des OVNI commence à être telle que des physiciens, Sturrock, McCampbell d’autres encore en Amérique, croient à un bouleversement. Il y en a aussi en France qui pressentent cette révolution et, probablement cette série de révolutions de la physique auxquelles obligera l’ufologie.

«C’est difficile à faire comprendre devant un micro, mais j’illustrerai cette idée par un exemple tout récent, puisqu’il s’agit d’une observation faite près de Villeneuve-sur-Lot en mars dernier. Le fait crucial, dans cette observation, c’est que, un OVNI s’étant approché d’un moteur diesel, celui-ci toussa et cala. On avait déjà des tas de cas de moteurs calés par l’approche d’un OVNI, mais pour des raisons évidentes on pensait que la panne était due à quelque interférence avec le système d’allumage, au point que l’on a jusqu’en mars publié ces cas sous la rubrique «effets électro-magnétiques».

«On croyait – et moi-même j’ai pas mal écrit là-dessus – qu’il s’agissait d’une interférence électromagnétique. Pas de veine! Il n’y a pas d’allumage électrique dans le moteur diesel, comme vous le savez!

«Mais alors, suivez mon raisonnement. Un moteur diesel qui cale, cela suppose que la combustion du fuel ne se fait plus, qu’elle est empêchée par quelque action inconnue. La combustion, c’est une combinaison chimique. Et là on tombe dans une nouvelle contradiction apparente, car si l’OVNI empêche les combinaisons chimiques (on ne voit pas du tout comment, bien entendu!), les témoins rapprochés devraient mourir sur-le-champ, puisque la respiration, l’influx nerveux, l’activité cérébrale, tous les métabolismes, ce sont des réactions chimiques!

«Vous me suivez toujours? Je continue: les moteurs calent, mais les êtres vivants ne meurent pas! Quelle différence y a-t-il entre les réactions chimiques d’un être vivant et celles d’un moteur à explosion? Il y en a sans doute beaucoup, mais une est déjà évidente, c’est la température à laquelle elles se font. L’OVNI n’agit généralement pas sur les réactions du vivant, qui se font (on ne sait d’ailleurs absolument pas comment) à basse température. Réfléchissant à ce fait incompréhensible et le retournant de tous les côtés, je me suis dit: «supposons que l’OVNI mette en panne toute réaction chimique au-dessus d’une certaine température, que devrait-on s’attendre à observer aussi?» Une conséquence serait la mise en panne des armes à feu! Et plus précisément, le coup devrait partir, mais faire long feu, «foirer», si vous me permettez cette expression des artilleurs. Car la combustion démarrerait à basse température, puis stopperait aussitôt la température critique atteinte. Alors je me rappelai le cas de Hopkinsville, où, en 1955, une famille du Kentucky avait tiré en vain force coups de fusil sur des «petits bonshommes» pendant toute une nuit (ce cas est rapporté en détail dans le livre de Hynek). Je relus ce cas, et jugez de mon excitation quand je lus que les deux Kelly, à un moment, tirèrent ensemble sur un «petit bonhomme» qui n’était distant que d’environ 10 mètres, qu’alors «les coups de feu résonnèrent exactement comme s’ils avaient été tirés dans un seau», et que les balles ne provoquèrent qu’un «petit sursaut» du mystérieux visiteur!

«Inutile de vous dire que personne au monde ne saurait donner un moyen de bloquer de loin toute combustion au-dessus d’une certaine température! Mais les physiciens savent ce qu’est une combustion. C’est un phénomène qui met en jeu les électrons de liaison, c’est un phénomène électronique. Or, des effets apparemment électroniques, il y en a des centaines et des centaines dans nos dossiers.

– Donc, dans ce cas, et j’imagine dans une quantité d’autres, les faits enregistrés par l’ufologie sont autant d’expériences de physique, et d’une physique inconnue?

– Exactement! Ou plutôt d’une physique où tout ce que nous reconnaissons est conforme à notre physique, mais où des phénomènes nouveaux, inconnus, d’autres phénomènes que nous ne savons pas encore reproduire sont décrits. Tous les physiciens de ma connaissance qui se tiennent au courant disent que c’est passionnant. Imaginez qu’au siècle dernier, Faradey ait pu visiter le laboratoire d’Alfred Kastler: c’est la même chose! Condon est mort, paix à ses cendres, mais avouez que refuser de visiter un laboratoire du futur, c’est une ânerie! C’est bien ce qu’il faisait pourtant quand il disait que l’ufologie ne présentait aucun intérêt scientifique. En réalité, l’ufologie est destinée à devenir la, principale source de connaissances de l’avenir.

– Alors là, Aimé Michel, n’y allez-vous pas un peu fort?

– Je tiens à ce que vous ne coupiez pas cela, parce que j’y ai beaucoup réfléchi depuis plus de vingt ans, et que je suis certain de ce que j’avance: l’ufologie sera avant un siècle notre principale source de connaissances, au moins en physique, et peut-être en psychologie, au sens le plus général de «science de la pensée».

«Mais je voudrais pour terminer – hélas, je suis long, et pourtant je n’ai presque rien dit – souligner l’importance de l’ufologie dans une science encore plus importante que la physique et la psychologie, et qui est l’épistémologie, ou critique de la connaissance. L’ufologie va provoquer un véritable tremblement de terre, un cataclysme dans ce domaine, en obligeant notre raison – notre instrument rationnel, source unique de toute certitude – à affronter des phénomènes qui la dépassent par nature, et ainsi à s’accommoder de sa complète relativité. Eh oui! C’est Copernic, mais en pis! Copernic nous a obligés à admettre que notre corps n’est pas au centre de l’univers. Les OVNI nous révèlent que notre pensée n’y est pas davantage. «Notre intelligence tient dans l’ordre des choses intelligibles le même rang que notre corps dans l’étendue de la nature»: signé Pascal.

«J’avais déjà mis cette pensée de Pascal en tête de mon deuxième livre, en 1958. J’ai, depuis, appelé cela le «Principe de banalité». L’homme est bien le sommet de l’évolution biologique terrestre. Mais la Terre n’est qu’une poussière imperceptible dans l’immense univers. Et l’homme y occupe une place aussi banale que la Terre. En un sens, c’est démoralisant. Mais d’un autre côté, discerner, deviner au-dessus de nous une gradation psychique peut-être sans bornes, cela change le tout de tout! C’est personnellement ce que je crois: «Comme l’univers physique, celui de la pensée est peut-être infini.»

 

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