L’influence des astres

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L’influence des astres

Chronique parue dans France Catholique − N° 1364 − 2 février 1973

 

Michel Gauquelin est un chercheur français, opiniâtre et courageux. Depuis vingt ans, dans une solitude complète, encouragé seulement par quelques savants étrangers, il étudie l’influence des astres. Grâce à lui le problème de l’astrologie est scientifiquement réglé. Je présenterai aujourd’hui quelques-unes de ses expériences.

Sur les astrologues et leurs horoscopes

On se souvient peut-être qu’en 1967 un des plus célèbres astrologues français annonça que désormais les thèmes astrologiques de ses clients seraient établis par ordinateur. Cette innovation fit du bruit dans la presse. Michel Gauquelin envoya un certain nombre de dates de naissance à cet astrologue. Il put constater que l’ordinateur était convenablement programmé en ce qui concerne la partie astronomique de l’horoscope: la position des planètes en fonction de la date était correcte. Restait à contrôler la valeur des indications données à partir de l’horoscope lui-même.

Pour la somme de 70 francs, l’«ordinoscope» donnait notamment:

‒ Un portrait psychologique et une analyse en profondeur de la personnalité.

‒ Le calendrier annuel de la vie du client.

‒ Les périodes fastes et néfastes des dix années à venir.

Ethérés, angéliques ces criminels

Michel Gauquelin sélectionna alors au Palais de Justice les noms de dix parmi les criminels les plus repoussants de ces trois dernières décennies, parmi lesquels le fameux docteur Petiot, qui avait exécuté une cinquantaine de ses clientes dans son cabinet transformé en chambre à gaz; Albert Millet, le tueur d’Hyères; Elisabeth Lamouly, qui avait empoisonné sa mère et son mari, etc. Puis, il soumit les dix dates de naissance à l’ordinateur céleste.

Tous ces assassins obtinrent donc leur profil psychologique et leur prédiction. Le bon docteur Petiot était décrit comme «une nature bien insérée dans les normes du social, éprise des convenances et pourvue d’un sens moral confortable, bourgeois bien-pensant, digne citoyen… Être vénusien baigné d’une sensibilité océanique en diffusion infinie, frissonnante d’amour universel… Sentiments plus ou moins teintés de romanesque…. de mysticité, mais qui débouchent généralement sur le don de soi désintéressé, l’amour salvateur ou le sacrifice rédempteur…». Condamné à mort et guillotiné depuis longtemps, Petiot n’était pas moins assuré par l’astrologue et son ordinateur d’une brillante destinée. Les autres criminels furent tout aussi bien servis. Alfred B., assassin de sa femme, était décrit comme «un être de fine essence aérienne, qui tend à se dépouiller de sa vie instinctive».

Mais, dira-t-on, cet astrologue était probablement un très mauvais astrologue? S’il se trompait si grossièrement, sans doute dut-il perdre bien vite sa clientèle? Pour le savoir, Michel Gauquelin fit une autre expérience. Il fit paraître dans un hebdomadaire un placard où l’on pouvait lire ceci:

Totalement gratuit!

Votre horoscope ultra-personnel.

Un document de dix pages.

Bénéficiez d’une expérience unique.

Envoyez-nous, adresse, date et lieu de naissance à ASTRAL-ELECTRONIC

(Suivait l’adresse de M. Gauquelin.)

Il reçut en quelques jours 150 demandes d’horoscope. À chacun de ses «clients», il envoya (gratuitement) un texte très détaillé, ainsi que le questionnaire suivant à remplir et à renvoyer:

a) Avez-vous reconnu au passage vos problèmes personnels?

b) Ce jugement est-il partagé par votre famille et vos amis?

c) Le rythme annuel de prévisions indique-t-il assez bien, en général, les bonnes et mauvaises périodes que vous traversez chaque année?

Les réponses obtenues à chacune de ces questions s’établirent ainsi: première question, 94% de oui; deuxième question, 90% de oui; troisième question, 80% de oui. Beaucoup de «clients» en redemandaient. Or, M. Gauquelin avait envoyé à tous ses clients le même horoscope, celui- là même que (pour 70 F) il avait obtenu de l’astrologie électronique pour le docteur Petiot!

Les résultats détaillés de cette double expérience furent publiés dans Science et Vie, d’août 1968, n°611, page 80. Science et Vie est la revue de vulgarisation scientifique la plus diffusée en langue française. Je ne sache pas que cette démonstration accablante ait si peu que ce soit entamé le crédit des astrologues: l’excellent écrivain scientifique Gérald Messadié, qui la rapporte en détail dans son récent livre sur l’astrologie[1]., nous apprend qu’il y aurait, en France, actuellement, un astrologue pour cent habitants, plus, si je ne me trompe que de médecins.

Sur l’influence réelle des planètes

L’influence de l’activité solaire sur les êtres vivants est maintenant un fait connu et de plus en plus étudié. Outre bien entendu, la lumière, le magnétisme terrestre est lié au soleil.

Tous les changements de l’astre du jour (taches, éruptions, variations du vent solaire, etc.) retentissent sur l’électricité et le magnétisme atmosphériques[2]. Les cycles et rythmes biologiques de toutes sortes intéressent de plus en plus les savants, j’aurai l’occasion d’en reparler. Le plus évident de ces cycles est celui qu’on appelle circadien (du latin circa diem): il règle notre vie quotidienne, notre veille, notre sommeil. Le cycle lunaire est lui aussi très actif, notamment dans la vie marine. Or, il y a quelques années, un astronome de l’Observatoire de Nice, M. Michel Trellis, montrait que l’activité solaire est liée par gravitation à la position des planètes: en tournant autour du Soleil, les planètes provoquent dans sa masse les mêmes effets de marée que la Lune et le Soleil provoquent sur les océans et l’atmosphère terrestre. Seulement, ces marées sont plus compliquées, parce qu’il y a huit planètes (sans compter le lointain Pluton) qui tournent à des vitesses et à des distances différentes. Si donc la position variable des planètes règle au moins partiellement l’activité solaire et si l’activité solaire agit sur les être vivants, n’est-on pas conduit à conclure que la position des planètes a une influence sur la vie?

Les travaux de M. Gauquelin montrent qu’il en est bien ainsi. Sa découverte la plus frappante est ce qu’il a appelé l’hérédité planétaire[3] en répertoriant des dizaines de milliers de dates de naissance et en traitant par la statistique, il a montré que les positions planétaires sont une sorte de propriété héréditaire. Les enfants ont tendance à naître à une heure du jour telle que la position de certaines planètes à ce moment précis reproduit la position des mêmes planètes observée lors de la naissance des parents. Il a pu analyser et mesurer avec une extrême précision l’intensité de l’effet pour les différentes planètes, pour le père, pour la mère, établir des corrélations avec l’agitation magnétique, montrer que l’effet se renforce quand les positions planétaire des parents sont semblables, qu’elles se contrarient dans le cas contraire. Ces résultats ont, à première vue une certaine ressemblance avec les prétentions de l’astrologie. Mais il n’en est rien: alors que l’astrologie croit pouvoir prédire les cas particuliers, M. Gauquelin a montré que les cas particuliers sont bien au contraire aléatoires et imprédictibles. Les effets Gauquelin, si frappants que plusieurs astronomes français éminents s’y intéressent (quoiqu’il s’agisse de biologie), sont statistiques. Leur caractère statistique, global, montre que les prétentions de l’astrologie sont illusoires et fallacieuses. Ce qui ne signifie d’ailleurs nullement que tous les astrologues soient malhonnêtes, ni même que l’on ne puisse, à partir d’une pseudo-science, obtenir des résultats réels et confirmés.

Sept et six égal… onze!

Mais dans ce cas, comme le montre très intelligemment Gérald Messadié, ces résultats ne sont pas à porter au crédit de l’horoscope: ils relèvent purement et simplement de la parapsychologie, et me rappellent l’histoire du concierge millionnaire que me racontait Cocteau. Le brave homme avait végété dans sa loge jusqu’à une certaine nuit où, visité par un rêve prophétique, il avait couru jusqu’au plus proche casino, joué et gagné. − C’était du sûr et du couru d’avance, répondait-il, je savais qu’il fallait jouer le onze, puisque j’avais vu en rêve sept cierges et six lapins: sept et six, onze!■

Aimé Michel

Notes:

[1] Gérald Messadié: Le Zodiaque a 24 signes (Stock, éditeur, Paris, 1973).

[2] Michel Gauquelin: les Horloges cosmiques (Denoël, Paris, 1970).

[3] Michel Gauquelin: l’Hérédité planétaire (Paris, 1966), avec une préface du Pr. G. Piccardi, directeur de l’Institut de chimie physique de l’Universite de Florence.

 

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