L’homme du grand tournant aux U.S.A.: le professeur Condon
Article paru dans Planète N°32 (Le Journal de Planète) de janvier / février 1967
«Certes, tout objet non identifié n’est pas forcément un visiteur extra-terrestre. Mais il ne s’ensuit pas que tous les objets non identifiés soient des phénomènes naturels, si beaucoup le sont. Si grande est la vanité ou l’ignorance de certains réfutateurs que tout ce qui dépasse leur entendement est considéré par eux comme inconcevable. Mais les conceptions humaines sont limitées par la connaissance et l’expérience terrestres, et dans le vaste univers notre Terre est un fait infinitésimal.»
Qui parle ainsi? Le professeur Edward V. Condon, soixante-quatre ans, professeur de physique à l’université du Colorado, membre de la National Academy of Science et d’une foule d’illustres sociétés savantes, ancien président de l’American Physical Society, ancien président de l’Association américaine pour l’avancement des Sciences, ancien directeur du National Bureau of Standards, un des inventeurs du radar, un de ceux qui fabriquèrent la première bombe atomique américaine, bref, l’un des grands patrons de la science américaine.
Trapu, la face large et énergique derrière les lunettes à fines montures, le cheveu dru, un regard où se lisent l’audace intellectuelle et l’ironie, il reçoit la presse après avoir accepté du Gouvernement américain la charge d’étudier les cas d’observation de «soucoupes volantes» — plus de 600 rien qu’aux États-Unis — qui ont résisté à toutes les tentatives d’explication. Et il n’y va pas par quatre chemins. Les soucoupes volantes, une absurdité?
«Rappelez-vous, dit-il, rappelez-vous ce que disait l’astronome royal de Grande-Bretagne, le docteur Richard Van der Riet Woolley, en 1957: «L’astronautique? totale absurdité». Quelques jours plus tard, les Russes lançaient leur premier spoutnik.»
Ou encore:
«Rappelez-vous aussi: les pionniers de l’astronomie, Copernic, Galilée, Kepler et leurs partisans furent dénoncés comme «cinglés» — lunatics — ou hérétiques et persécutés par les savants et les théologiens qui regardaient la Terre comme le centre de l’univers. Eh bien, en ce moment, c’est une même attitude antiscientifique qui tourne en ridicule ceux qui considèrent la soucoupe volante comme un problème sérieux. II est bon de rire pour se décontracter. De cela ou de n’importe quoi. Mais les soucoupes volantes sont un sujet qui mérite la considération et l’investigation.»
Bien sûr, il faudra des preuves
Et ceci:
«Je reconnais que le visiteur extra-terrestre, c’est diablement improbable. Je veux des preuves irrécusables. Mais quant à dire que ce n’est pas ça, non.»
Un peu plus tard, il ironise sur l’ignorance de ceux qui vont répétant que ces objets non identifiés sont de vagues apparitions dans le ciel.
«Dans certains cas, il a été relevé que l’herbe sur les lieux d’atterrissage était aplatie ou brûlée et que d’étranges odeurs ont été laissées par ces objets. II apparaît que certains de ces rapports ont été faits par des observateurs intelligents et techniquement compétents. De plus, ces rapports proviennent parfois d’observateurs différents qui ne se connaissent pas, qui se trouvent en des endroits différents… etc.»
Vers une révolution copernicienne de la pensée
Ainsi, le grand tournant est pris aux États-Unis. Ce que j’annonçais depuis dix ans — depuis que je découvris moi-même avec d’autres en France ce que proclame maintenant le savant américain — vient enfin de se produire.
Mais les astronomes, les physiciens, les psychologues qui ont travaillé avec nous, ne peuvent pas encore sortir de la clandestinité. Du moins mon livre (paru dès 1958 aux États-Unis, et où se trouvent déjà décrits dans le détail tous les grands phénomènes dont vont maintenant s’occuper Condon et son équipe) témoignera-t-il que nous fûmes les premiers. Nous fûmes les premiers, mais le resterons-nous longtemps? Le gouvernement américain a débloqué cent cinquante millions d’anciens francs à Condon pour commencer ses travaux. Toutes les universités vont y collaborer. Quand les cent cinquante millions seront épuisés, il n’aura qu’à décrocher son téléphone pour les faire renouveler. Et qu’on nous comprenne bien: ce ne sont pas les cent cinquante millions qui nous impressionnent. Nous accepterions sans rechigner de continuer à fonctionner comme depuis dix-huit ans, sans l’aide matérielle de personne, gagnant tous par un travail professionnel chaque sou que nous coûte notre recherche.
Mais cela, nous le savons maintenant, ne durera plus qu’un temps. Le rouleau compresseur de la science américaine vient de se mettre en marche. Comme l’a dit Condon — et comme je l’écrivais il y a neuf ans — c’est une révolution copernicienne de la pensée qui se prépare. Qui se souviendra, plus tard, qu’elle fut retardée par quelques inquisiteurs?■
Aimé Michel