La création à pile ou face


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La création à pile ou face

Chronique parue dans France Catholique − N° 1368 – 2 mars 1973

 

La physique nous enseigne que, quand un corps accélère, sa masse augmente. Plus sa vitesse est grande et plus sa masse l’est aussi. Un corps qui atteindrait la vitesse de la lumière aurait une masse infinie. C’est dire que la physique actuelle affirme l’impossibilité pour tout corps possédant une masse (si ce n’est pas là un pléonasme) d’atteindre la vitesse de la lumière.

La variation de la masse en fonction de la vitesse a quelque chose qui choque le bon sens. L’idée qu’un sac de plume suffisamment accéléré puisse peser autant qu’un sac de plomb, semble aberrante[1]. «Comment le savez-vous? a-t-on envie de demander aux physiciens. En êtes-vous bien sûrs?»

Une histoire de photon

On le sait parce que (entre autres choses), l’atome est incompréhensible s’il n’en est pas ainsi. Si l’on ne tient pas compte de la vitesse de l’électron tournant autour de son noyau et du surcroît de masse qui en résulte pour lui, aucun calcul physique n’est plus possible. Toute la théorie de la lumière et des niveaux d’énergie s’effondre. On ne peut plus faire le plan ne serait-ce que d’un poste de télévision.

Mais, s’il est avéré que toute masse devient infinie quand sa vitesse atteint celle de la lumière, il s’ensuit apparemment que le photon, qui est un grain de lumière, a forcément une masse nulle: si elle n’était nulle, elle serait infinie à cause de sa vitesse.

Et, en effet, c’est là ce qu’affirme la physique en l’an 1973: la masse du photon est nulle[2]

En est-il bien ainsi?

On va voir que cette petite question, si technique et si limitée en apparence, aboutit à soulever l’un des plus grands problèmes de la métaphysique, celui de l’origine de l’univers. Comme on le sait, le soleil est une étoile. Les étoiles ou soleils sont groupés en galaxies. Notre galaxie, la Voie lactée, compte environ cent milliards de soleils. Il y a des milliards de galaxies dans l’espace visible.

Au début de ce siècle, les astronomes firent une curieuse découverte: les galaxies lointaines semblaient toutes s’éloigner de nous. Les raies de leur spectre était, en effet, régulièrement déplacées en direction du rouge, ce qui, compte tenu d’une propriété de la lumière appelée effet Doppler- Fizeau, indiquait une fuite de la source lumineuse en direction du lointain. En confrontant les mesures de ce rougissement et celles de l’éloignement, l’Américain Hubble aboutit à la stupéfiante conclusion que plus une galaxie est éloignée de nous, plus rapide est sa fuite: l’univers tout entier semble exploser!

Mais s’il explose, cela signifie que jadis il était plus concentré que maintenant. Plus on remonte dans le passé et plus il est concentré. Et comme on connaît la distance des galaxies et leur vitesse, il suffit de diviser la première par la seconde pour calculer le moment où l’univers a commencé d’exploser, c’est-à-dire l’instant de la création!

Tous les astronomes (même matérialistes et athées), pensent actuellement que l’univers a commencé il y a dix ou quinze milliards d’années. Du moins l’univers tel que nous le connaissons avec ses étoiles, ses planètes et leurs habitants.

Telle est la conception admise actuellement par la généralité des astronomes: le rougissement des galaxies lointaines prouve, selon eux, l’expansion de l’univers et son commencement, sinon sa création, il y a une dizaine de milliards d’années.

Cette conception repose tout entière sur une hypothèse, à savoir que le rougissement s’explique par la fuite. On voit que l’instabilité de l’univers (donc sa création dans un passé plus ou moins lointain), ou bien sa stabilité sont jouées à pile ou face par les astronomes sur l’interprétation d’un phénomène unique, le rougissement des astres les plus lointains.

Or, l’interprétation du rougissement repose elle-même sur l’hypothèse que la masse du photon est nulle. Deux savants français, l’astronome Jean- Claude Pecker[1], et le physicien Jean-Pierre Vigier[4], viennent, en effet, de montrer que si l’on attribue au photon une masse non nulle, alors, inévitablement, il doit perdre une partie de son énergie en rencontrant d’autres photons dans l’espace. L’énergie de la lumière est mesurée par sa fréquence. Si donc le photon perd une partie de son énergie, la fréquence lumineuse à laquelle il est associé baisse: elle se déplace vers le rouge. Seulement, il n’est pas facile, nous l’avons vu, d’attribuer au photon une masse non nulle! Comment une masse quelconque, aussi faible soit-elle, peut-elle se déplacer à la vitesse de la lumière sans devenir infinie? Apparemment, c’est contraire aux certitudes les mieux établies de la physique. Pecker et Vigier le savent bien. Ce ne sont pas des amateurs qui lancent une idée au hasard, sans en voir toutes les implications et les conséquences. Il y a longtemps que Vigier a exposé sa théorie, dont les nouvelles propriétés du photon ne sont qu’un aspect particulier.

Si les faits lui donnent raison, son nom et celui de Pecker resteront attachés à une profonde révolution de la physique. Et ces faits, il semble bien que Pecker y ait mis le doigt dessus. Il a, en effet, avec la théorie de Vigier, expliqué un nombre considérable d’observations jusqu’ici incompréhensibles.

On tisse… puis on défait

Par exemple, on avait remarqué que certaines galaxies voisines (voisines entre elles), ne subissent pas un rougissement identique. C’est impossible, car si elles sont voisines, elles sont à la même distance de nous, si elles sont à la même distance elles s’éloignent à la même vitesse, et si elles s’éloignent à la même vitesse, elles subissent un rougissement identique. À cela, il ne peut exister qu’une explication: que le rougissement n’est pas dû à la fuite, mais à une autre circonstance. Cette circonstance, Vigier dit que c’est le choc des photons qui se rencontrent. Et Pecker montre que l’observation correspond à la prévision théorique de Vigier.

On peut s’attendre à une belle discussion si d’autres faits viennent obliger les savants à prendre la théorie de Pecker-Vigier en considération. La science est comme la tapisserie de Pénélope: on tisse, puis on défait. Cette fois, il faudra défaire vraiment beaucoup. Soyons assurés qu’avant de défaire, on disputera chaudement. Car toutes les grandes théories en seront atteintes. Il faudrait aménager la relativité et la microphysique. Il faudrait aussi revenir à l’idée d’un univers stable, sans expansion, sans nécessité physique d’un commencement. Quel dommage! Ce big bang, c’était du grand technicolor.■

Aimé Michel

Notes:

(1) Le lecteur physicien me pardonnera de confondre ici poids, masse inertielle et masse gravitationnelle la distinction n’est pas nécessaire dans l’exemple cité.

(2) Là encore, le lecteur physicien voudra bien me pardonner de laisser de côté la masse énergétique.

(3) Professeur au Collège de France et directeur de l’Institut d’astrophysique.

(4) De l’Institut Henri-Poincaré.

 

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