À propos des soucoupes volantes

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À propos des soucoupes volantes

Article paru dans Planète No 29 de juillet / août 1966

 

UNE SOCIÉTÉ SECRÈTE MONDIALE
Depuis 1964, savants, cosmonautes et techniciens de divers pays étudient 18’000 dossiers de soucoupes volantes.

Un réseau international de savants attentifs

La communauté humaine actuellement la plus jalouse de son anonymat n’est pas un service secret ni un complot politique. Elle n’est pas composée de «James Bond» à fausse barbe ni de conspirateurs se réunissant dans des caves. Elle ne se livre à aucun trafic de drogue, ni d’armes, ni de documents secrets. Ses membres se recrutent uniquement chez les hommes de science. Beaucoup d’entre eux sont célèbres, dirigent des observatoires, des centres de recherche, de grands laboratoires. Leur réseau compte aussi des cosmonautes ayant gravité autour de la Terre. Il recouvre le monde entier. Depuis quelques années, et surtout depuis 1964, il est si bien organisé que lorsqu’un événement intéressant se produit quelque part sur la planète, où que ce soit, tous ses membres en sont informés dans les deux ou trois jours qui suivent, et la plupart des détails concernant cet événement sont transmis, diffusés, classés et étudiés en quelques semaines. Un fichier central de tous ces dossiers, organisé selon les méthodes et avec les moyens les plus modernes du classement et du calcul automatique (fiches et ordinatrices IBM), fonctionne depuis deux ans. Il rassemble actuellement plus de 18’000 dossiers.

Cette communauté qui ne fait jamais parler d’elle, c’est celle des savants qui étudient les soucoupes volantes. De temps à autre, à la télévision ou dans un journal, un savant explique que les soucoupes volantes sont des ballons-sondes ou des météorites, et que ceux qui croient voir des engins sont des benêts ou des fous. Ce savant ignore que tel de ses collègues qu’il rencontre tous les jours (si ce n’est son propre patron lui-même) l’écoute ou le lit avec affliction en se demandant comment lui faire comprendre qu’il ne faut pas parler de ce que l’on ignore si l’on veut éviter de dire des sottises. Mais ce collègue n’a aucun moyen de le lui faire comprendre sans sortir de l’anonymat. Et il ne peut pas sortir de l’anonymat. Pourquoi? Cette question découle d’une situation sans précédent dans l’histoire des sciences. Pour beaucoup, et je crois pouvoir dire pour tous, elle traduit un vrai déchirement de la pensée, une obsession, une angoisse de tous les instants. Quand un homme de science a obtenu un résultat certain sur une question débattue, il n’a de cesse qu’il ne l’ait proclamé, qu’il n’en ait informé le monde et, en premier lieu, ses collègues dont il ambitionne l’approbation. Et si cette question est capitale, s’il sait qu’il n’en est ni qu’il n’en fut jamais de plus importante depuis qu’il y a des hommes, et qui cherchent, alors le silence lui devient une torture.

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L’éditeur américain avait choisi ce document pour la couverture de la traduction de l’ouvrage d’Aimé Michel sur les Mystérieux objets célestes, avec cette légende: «Quatre Siciliens observent deux UFO dans le ciel de Taormina, Sicile.» (Photo United Press.)

Une conclusion qui ne peut être criée sur les toits

Et c’est ici le cas. Tous les savants sans exception qui ont étudié le dossier des soucoupes volantes (j’entends le vrai dossier, non ce qu’en peuvent laisser transparaître les journaux) sont arrivés à une conclusion identique. Cette conclusion, il faudrait la crier sur les toits. Oui, il le faudrait. Mais comment? Même pour cet article, même sachant que ces lignes sont destinées aux lecteurs de Planète, c’est-à-dire à une famille d’esprits avertis que le fantastique est universel et quotidien, je cherche, et j’avoue ma confusion. Comme il est plus facile d’écrire ce qu’écrit tout le monde, de parler de son enfance, de son village, ou même des prodiges de la psychologie exceptionnelle! Combien de fois ai-je regretté de m’être découvert, et que deux livres signés de mon nom témoignent que j’étudie depuis dix-sept ans ce problème maudit!

Mais non. Quand je me souviens que le second de ces livres fut l’occasion qui créa le réseau dont je parle, je ne regrette rien et j’admire ma chance. Parce qu’en 1954 il se trouva que j’étais presque au centre géographique de la plus importante vague d’observations jamais enregistrées et parce que plusieurs chercheurs déjà passionnés me confièrent leurs documents, je pus, pour la première fois, décrire dans le détail ce phénomène de vague, si caractéristique, si significatif que mon livre, passé inaperçu en France, actionna, par son édition américaine, le petit déclic d’où tout le reste, en dix ans, est sorti. Si je n’avais pas écrit ce livre, le déclic, certes, n’en eût pas moins joué, peut-être quelques mois ou quelques années plus tard. Mais je n’en aurais jamais rien su. Et je ne me trouverais pas en ce moment, par pure chance, dans la coulisse d’une révolution psychologique si radicale qu’elle nous effraie tous et que, mis au pied du mur comme c’est le cas ici, nous ne savons même plus comment en parler.

L’aventure de deux officiers de police américains

Une expérience cent fois refaite nous a cependant appris qu’il n’est de meilleure introduction que les faits eux-mêmes. J’ai dit qu’il existe présentement un peu plus de 18 000 dossiers d’observations. Ces observations concernent, pour la plupart, un certain nombre d’objets, toujours les mêmes, dont l’analyse de la vague de 1954 avait déjà clairement défini les apparences, les comportements et les rapports[1]. Le plus volumineux de ces objets est celui que j’ai appelé le Cigare de nuées. Un autre type d’objet également très volumineux est celui qui fut observé une nuit de l’hiver 1956, au-dessus de la région parisienne par les pilotes au départ et à l’arrivée d’Orly et suivi pendant plusieurs heures par le radar de la base[2]. Comme tous les autres types d’objets, celui-ci a été observé à de nombreuses reprises au cours de la forte recrudescence enregistrée depuis un an. En voici un exemple intéressant, jamais rapporté par la presse.

Lieu: Route nationale entre West Columbia et Damon, comté de Brazoria, au sud de Houston (Texas).

Date: 3 septembre 1965, 23 heures (temps local).

Témoins: le chief deputy sheriff B.E. Mac Coy et le deputy sheriff Robert Goode, d’Angleton, Texas, c’est-à-dire deux officiers de police assermentés.

À 23 heures, donc, les deux hommes roulaient sur la route nationale en direction du Sud. Goode conduisait, bien qu’il eût la main gauche bandée, s’étant fait mordre au doigt par un animal, à 19 heures, ce soir-là. Le doigt rouge et enflé le faisait souffrir, et il conduisait de la main droite, non sans se plaindre fréquemment. Mac Coy, son supérieur, était assis à sa droite.

Les deux hommes aperçoivent soudain sur la ligne d’horizon, à leur droite, vers l’ouest, au-delà d’un vaste pâturage, une luminosité rouge dont ils ne peuvent d’abord identifier l’origine. Mais la lumière grandit et se présente bientôt sous l’aspect d’une brillante source lumineuse d’apparence circulaire. Goode estime qu’il s’agit des lumières d’un puits de pétrole. À ce moment, une autre source lumineuse moins puissante et plus ponctuelle semble sortir de la première sur la droite. Les deux hommes découvrent alors que les deux lumières appartiennent à un objet sombre, et que celui-ci vient de tourner de 90 degrés sur lui-même, dégageant ainsi la source lumineuse bleue qui se trouvait précédemment derrière lui par rapport aux policiers, dans le prolongement de la rouge et donc cachée par le corps de l’objet. En même temps, ils constatent que les deux lumières se sont élevées au-dessus de l’horizon en prenant une forme définie.

Mac Coy donne l’ordre de stopper et de braquer, le moteur continuant de tourner silencieusement (n’oublions pas qu’il s’agit d’une voiture américaine). Goode baisse sa glace et passe sa main gauche (la main blessée) à l’extérieur. Pendant encore une seconde ou deux l’objet se rapproche, puis stoppe, lui aussi. Toute cette manœuvre s’est faite à une vitesse qui paraît vertigineuse aux deux hommes, et sans le moindre bruit.

À partir de ce moment, l’objet est très visible entre les deux sources lumineuses. Il est métallique, il brille, il est de couleur gris acier. Sa forme est celle d’un ovale allongé. On ne distingue sur sa coque ni marques, ni signes, ni lettres. Il n’a ni roues, ni hublots, ni antennes, ni proéminence d’aucune sorte. La source lumineuse rouge (pourpre) est sur la gauche. Sa forme est rectangulaire. Son intensité est animée d’une pulsation régulière (détail rapporté aussi par les pilotes d’Orly). La source bleue est également rectangulaire, mais plus petite et moins lumineuse. Entre l’objet et les deux policiers s’alignent les poteaux d’une ligne téléphonique. Comme la lumière rouge éclaire la campagne, on peut voir l’ombre des poteaux et évaluer la distance de l’objet et, par conséquent, ses dimensions et son altitude. Le rectangle pourpre est à une quinzaine de mètres du sol et à environ cinquante mètres des témoins. La distance entre les deux sources est de l’ordre de soixante mètres (n’oublions pas que toutes deux sont sur le corps de l’objet). Non seulement la source rouge illumine le sol de la prairie, qui se reflète sur le métal brillant de la partie inférieure de l’objet, mais elle éclaire la voiture, extérieur et intérieur, où les hommes voient leur silhouette projetée.

Le sheriff Robert Goode sentit une inexplicable panique naître en lui

Ici se situe un incident psychologique caractéristique. Pour en entrevoir la portée, il faut avoir clairement en tête la situation des témoins par rapport à l’objet. La voiture de police est arrêtée sur la droite de la route et légèrement braquée à droite. L’objet est à une cinquantaine de mètres sur la droite, un peu vers l’avant. La glace droite de la voiture est fermée. Derrière cette glace, il y a le chief deputy sheriff Mac Coy. L’autre glace (gauche) est baissée et l’épaule, le bras et la main gauche (blessée) de Goode sont à l’extérieur de la voiture, du côté opposé à l’objet.

Les deux hommes sont là depuis un moment à observer et à se communiquer leurs impressions, quand Goode fait la remarque qu’une chaleur de plus en plus intense règne à l’extérieur. En fait, il ressent cette chaleur dans son bras gauche, celui qui est passé à travers la portière, mais qui se trouve également être le bras dont la main est blessée. Mac Coy lui répond que, pour sa part, il ne remarque rien. Il est vrai que sa glace est fermée. Mais, d’autre part, si cette chaleur est rayonnée, pourquoi est-elle perçue du côté opposé à l’objet? Et si c’est l’air ambiant qui est chauffé par l’objet, comment cet air brûlant ne pénètre-t-il pas dans la voiture jusqu’à Mac Coy ni même au-delà de l’épaule de Goode?

Sans doute Mac Coy aurait-il fini par baisser sa glace pour en avoir le cœur net, si, à partir de ce moment, Goode n’avait montré des signes d’énervement croissant. Une inexplicable panique montait en lui. Finalement, malgré les ordres de son chef, qui continuait d’observer l’objet et ne se rendait pas compte que quelque chose n’allait pas chez Goode, celui-ci démarra en trombe et accéléra, d’après le rapport, jusqu’à la vitesse maximum de la voiture, soit 110 miles, ou 170 kilomètres/heure. Mac Coy lui criait vainement d’arrêter. L’autre n’écoutait rien. Sur le rapport rédigé ensuite par les deux hommes, on lit que Goode admet avoir perdu la tête à cause de cette sensation de chaleur (panicked upon feeling the heat).

Cependant, Mac Coy réussissait à ne pas perdre l’objet de vue. Quelques secondes après le démarrage de la voiture, il le vit glisser rapidement dans la plaine, regagner sa position première à l’horizon et y rester un bref instant tandis que la source rouge devenait fantastiquement (tremendously) brillante, puis s’élever rapidement dans le ciel et disparaître à une hauteur estimée à vingt degrés. Goode roula encore quelques kilomètres, puis la panique disparut comme elle était venue, la voiture stoppa et Mac Coy donna l’ordre de faire demi-tour jusqu’au lieu de leur premier arrêt où les deux hommes se garèrent comme précédemment mais en sens inverse.

Et bientôt tout recommença. Les deux lumières, la grande rouge et la petite bleue, réapparurent à l’horizon, un peu à côté de l’endroit de la première observation. Mais cette fois, Goode était du côté de l’objet, et de nouveau l’inexplicable panique le saisit. Mac Coy, voyant son adjoint littéralement hors de lui, consentit à abandonner l’observation. La voiture fit donc demi-tour pour la dernière fois et roula rapidement vers Angleton, à dix-huit kilomètres de là, où se trouvait le quartier général des deux officiers.

Et voici le plus étonnant de l’histoire. Tandis qu’ils discutaient de ce qu’ils avaient vu, Mac Coy, incidemment, fit remarquer à Goode qu’il ne se plaignait plus de sa blessure. Celui-ci alors se rendit compte qu’il conduisait des deux mains. Toute douleur avait disparu. Pour la troisième fois, la voiture s’arrêta. On défit les bandages. Aucune enflure, aucune rougeur n’étaient plus visibles.

L’inévitable clandestinité de ceux qui étudient les mystérieux objets célestes

Arrêtons-nous un instant sur le cas de la Nationale West Columbia-Damon. Admettre le récit de ces deux officiers de police, c’est reconnaître non seulement que des engins n’ayant rien de commun avec aucune technique connue se laissent parfois observer près du sol, mais que, parmi les effets de proximité de ces engins supposés, certains sont d’ordre nerveux (sensation de chaleur, action sur les vaisseaux capillaires, désenflure) et d’autres d’ordre psychologique (terreur incontrôlable apparaissant et disparaissant sans raison admissible chez un officier de police chevronné). Mais y a-t-il des raisons suffisantes d’admettre ce récit? Ne peut-on supposer, par exemple, que les deux officiers ont été simultanément hallucinés ou qu’ils n’ont pas su reconnaître quelque phénomène plus banal?

C’est ici, je crois, que le lecteur comprendra pourquoi la communauté des savants qui étudient les soucoupes volantes tient si jalousement à sa clandestinité. Rien n’empêche, en effet, de supposer dans ce cas précis l’hallucination ou la fausse interprétation, ou n’importe quoi. Rien n’empêche non plus de le supposer pour un grand nombre d’autres cas pris isolément. Imaginons un groupe d’aveugles assis côte à côte sur un banc et jouant à lancer des cailloux dans toutes les directions. Supposons que de temps à autre la trajectoire d’un caillou s’achève par un plouf dans l’eau. Les aveugles pourront en première réflexion conclure qu’il y a des flaques d’eau dans les environs. Cette conclusion sera parfaitement suffisante pour chaque plouf pris isolément quelle que soit la nature de la ou des surfaces liquides existant réellement. Mais supposons qu’un aveugle, ayant du temps à perdre ou la passion des ploufs, entreprenne d’en collectionner les coordonnées par centaines, puis par milliers, qu’il les étudie alors dans leur ensemble, et non plus un à un, et qu’un jour il croie bien faire de tenir à ses voisins le petit discours que voici:

– Messieurs, vos flaques ne sont pas des flaques, mais une pièce d’eau de deux kilomètres de long dont voici le plan. Et, si vous voulez mon avis, nous sommes en ce moment même assis sur la grande terrasse du château de Versailles.

Supposons enfin que ces propos suscitent l’hilarité générale des autres aveugles (l’inexistence du château de Versailles ayant été démontrée par les savants) et que le maniaque des ploufs soit d’abord traité de rêveur, puis de fou, enfin d’escroc et de criminel[3], ainsi que les quelques aveugles ayant pris la peine de contrôler ses dires. Que se passera-t-il? On peut prévoir à coup sûr que l’étude du château de Versailles et de ses pièces d’eau entrera dans la clandestinité, et y restera.

Il est donc aussi commode de croire à l’hallucination ou à la balourdise de deux policiers américains que difficile d’expliquer comment ils ont pu fournir tant de détails déjà donnés par une foule d’autres balourds qui non seulement ne se connaissent pas entre eux, mais sont généralement persuadés que personne d’autre n’a vu ce qu’ils ont vu. La précaution oratoire la plus fréquemment entendue de la bouche des témoins au moment du premier interrogatoire est, sous une forme ou une autre, la phrase suivante que me dit un jour l’un d’entre eux:

– Je ne sais pas ce que vous racontent vos cinglés de soucoupes volantes, mais moi, ce que vu, ça n’a rien à voir. Les soucoupes volantes, c’est des bêtises, ça n’existe pas. Voici ce que j’ai observé.

Et sur ce il me rapporte un beau cas bien classique avec arrêt de moteur, phares éteints, etc., qui ne m’apprend rigoureusement rien de neuf.

Une fantastique hypothèse à propos du «martien» de Valensole

Je n’ai exposé jusqu’ici que quelques raisons pouvant motiver la curiosité d’un esprit non prévenu. Mais la recherche proprement dite, c’est tout autre chose. Décider, après tout, que les témoins disent peut-être vrai et que cela a quelques chances d’exister, c’est un jugement de valeur, ce n’est pas une démarche scientifique. Dieu merci, la recherche peut progresser en toute objectivité et sans nécessiter de jugements subjectifs. Au point où l’on en est actuellement, on peut dire que l’étude d’un cas donné serait menée par un chercheur ne croyant pas à la réalité des soucoupes volantes exactement comme elle l’est en fait par nous (et si je dis serait, au conditionnel, c’est, comme dit plus haut, qu’il n’existe aucun exemple d’un chercheur ayant étudié la question qui n’ait conclu très vite à l’existence du phénomène en tant qu’engin inconnu). Voyons cette méthode à travers un exemple.

Les lecteurs de la presse française se rappellent l’histoire de ce paysan de haute Provence affirmant qu’il avait vu atterrir un engin dans son champ de lavande le 1er juillet 1965 et deux «martiens», descendus à terre, y remonter. Des photos de traces étaient publiées. On supposait que le brave homme avait pris un hélicoptère Alouette de l’armée (alors en manœuvres non loin de là) pour une soucoupe volante. Puis l’armée de l’Air avait affirmé qu’aucun de ses engins n’avait survolé le plateau de Valensole à cette date et s’y soit posé. Et tout cela avait fini, pour la presse, par quelques plaisanteries sur l’imagination des Méridionaux et la qualité du pastis de Valensole. Comment, sur des éléments vagues et suspects, fonder un travail scientifique?

La recherche a été menée avec objectivité et méthode

Première étape, l’interrogation du témoin. Il fut mené par les gendarmes de Valensole, puis par un officier de gendarmerie de Digne. Il fut mené également par plusieurs enquêteurs séparés, à des dates différentes. Une comparaison des divers interrogatoires montra que le témoin allégué faisait les mêmes réponses aux mêmes questions et que son récit ne variait pas. Réponses et récit furent donc enregistrés. Ce travail de nature judiciaire, et non scientifique, aboutit à un document. C’est ce document, et non les faits réels ou allégués, rapportés par le «témoin», qui va constituer le matériau de l’étude scientifique.

Deuxième étape: le document est entièrement découpé en détails élémentaires (features). Exemple: la description de la «tête» du martien de Valensole comporte vingt et un détails; neuf concernent l’aspect global; deux concernent le «crâne», quatre la «bouche», trois la «mâchoire inférieure»; trois, enfin, les expressions (selon l’appréciation du témoin).

Troisième étape: les détails élémentaires ainsi obtenus sont recherchés dans les fichiers des témoignages précédemment enregistrés, ce qui permet de les classer en quatre groupes, selon qu’ils ont été déjà enregistrés en d’autres occasions ou qu’ils ne l’ont jamais été. (Ce dernier classement est en réalité divisé en trois rubriques: nouveau non contradictoire avec des détails précédemment enregistrés, nouveau contradictoire, incertain). Quant un détail a déjà été enregistré, on s’efforce de rassembler tous les cas où il l’a été. Autrement dit, on ajoute les mots Valensole, 1er juillet 1965 à une fiche portant tous les enregistrements antérieurs similaires. On procède de même quand il y a contradiction, c’est-à-dire que, sur les fiches portant des détails précédemment enregistrés mais en contradiction avec un détail du cas présent, on ajoute (précédés d’un signe particulier, ou écrits d’une couleur différente) les mêmes mots Valensole, 1er juillet 1965. Certains chercheurs, comme Jacques Vallée[4] ou Jean Vuillequez[5] parmi ceux que le public connaît, ont poussé plus loin la finesse du classement. Tenons-nous-en à celui-ci, que je connais mieux. Et, puisque nous avons choisi l’exemple de la tête du «martien», de Valensole, voici le classement:
a-propos-des-soucoupes-volantes-tableauL’examen de ce tableau montre que, sur les vingt et un détails prêtés par le témoin à la «tête» de son «martien», dix-neuf avaient été enregistrés au cours d’enquêtes sur des cas antérieurs, et deux ne l’avaient jamais été. Sur ces deux, un est en contradiction avec tous les détails similaires précédemment signalés et l’autre est incertain.

Le lecteur serait sans doute curieux de connaître ces vingt et un détails. Je regrette de ne pouvoir satisfaire qu’une partie de sa curiosité: si l’ensemble des détails conformes à toutes les observations étaient publiés, on pourrait avec quelques chances de succès s’amuser au petit jeu des histoires de soucoupes inventées de toutes pièces (jeu en réalité très difficile: n’oublions pas que les détails «précédemment enregistrés» portent sur plus de 18’000 dossiers). Quoi qu’il en soit, s’il n’est pas opportun de donner de la publicité aux dix-neuf détails par lesquels le témoignage de Valensole recoupe quelques centaines d’autres (dix-neuf détails pour la tête seule, je le rappelle), on peut sans inconvénient parler du détail contradictoire et du détail incertain. Le premier concerne la tête du «martien»: le témoin de Valensole affirme avoir vu la tête du personnage nue, alors que tous les témoignages antérieurs, concordants pour les autres détails, décrivent une tête enfermée dans une sorte de casque de cosmonaute. Le second est une précision qui se trouvait exclue par définition des descriptions précédentes, à cause précisément du casque: le «crâne» du personnage était, d’après le témoin de Valensole, dépourvu de tout système pileux. Il est intéressant de remarquer que ces deux détails ont été corroborés depuis par une bonne douzaine de témoignages américains, bien que la description du «martien» de Valensole diffusée par tous les journaux lui ait prêté une abondante chevelure.

Si donc on accorde une interprétation réaliste aux conclusions tirées mécaniquement (par simple numération) de l’analyse des témoignages, on obtient ceci: il y a dans un certain type de soucoupe volante (qui d’ailleurs ne ressemble en rien à une soucoupe) un certain type d’entités vivantes qui, jusqu’au début de l’été 1965, ne supportaient pas le contact ou la pression de l’atmosphère terrestre, ou les deux. Depuis le début de l’été 1965, ces entités sont, d’une manière ou d’une autre, adaptées à notre atmosphère. De plus, depuis cette date, le nombre des observations ne cesse d’augmenter…

Est-il besoin de le dire? Des centaines d’hommes habitués par métier à confronter faits et hypothèses ne réfléchissent pas depuis des années à un problème si fascinant sans avoir rêvé de quelques interprétations. Que l’on me permette, pour terminer, d’en suggérer une qui, à ma connaissance, n’a jamais été proposée par personne. Je ne dis pas que c’est la vérité. Je ne dis même pas que c’est mon opinion. Je dis simplement que, parmi une foule d’autres, c’est une hypothèse qu’il faudrait peut-être aussi envisager.

Ni Russes ni Américains: donc des extra-terrestres?

La première tentation, quand on étudie ces milliers de témoignages, est de se dire: «Ce ne sont pas les Russes, ce ne sont pas les Américains, ce n’est personne de connu. Donc ce sont les extra-terrestres.» Fort bien. Mais s’ils sont là, les Grands Inconnus venus de Dieu sait où pour nous rendre visite, pourquoi donc la font-ils tellement attendre, cette visite? Le grand Cigare de nuées que je croyais être le premier à avoir décrit dans mon livre, des lecteurs plus au fait des textes sacrés m’ont fait remarquer qu’il existe déjà, trait pour trait, dans les récits mosaïques, Exode et Nombres. «Ils» étaient donc déjà là il y a trente-deux siècles? Et ils n’ont jamais pris contact avec nous?

Mais admettons que l’homme soit impuissant à discerner les mobiles d’une activité qui (peut-être) le dépasse psychiquement d’aussi haut que nous surpassons le monde animal. Admettons que nos questions sur les démarches d’une pensée extra-terrestre, supposée en avance de millions ou de milliards d’années sur la nôtre, ressemblent à celle du chien qui se demande pourquoi son maître se donne tant de mal à faire tant de choses absurdes, alors qu’il est si simple de manger dans les poubelles et de dormir au soleil. Il reste ceci, que ces «petits pilotes» des soucoupes volantes, nous commençons à les connaître. Nous les avons mesurés. Leur portrait-robot est dans nos dossiers. Et leur image déconcerte. Même la science-fiction ne l’avait pas prévue. Elle contredit tous nos mythes du surhumain ou du céleste. Serait-ce donc là notre avenir, cet avorton hydrocéphale sans âge ni sexe? Et faudrait-il admettre dans cette caricature le suprême achèvement où l’essor de la pensée emporte toute chair cosmique? Je l’avoue, quand cette pensée m’effleure, je pense au sourire de l’ange de Reims et je me demande si les lois universelles de l’évolution ne culmineraient pas, par hasard, dans la tragédie. Et ce n’est pas tout. Bien plus que notre cœur, l’image de ces êtres déconcerte notre intelligence. Le mot de caricature employé plus haut est faible pour exprimer la réalité. Des anatomistes l’ont (sur le papier, naturellement) étudiée. Ils en ont retiré l’impression d’un corps humain modifié jusqu’au grotesque dans le sens de l’hypercéphalisation, exactement comme nos éleveurs fabriquent le basset ou le lévrier en trafiquant le chien. Ces êtres sont très différents de l’homme pour un œil non averti (celui des témoins en général). Mais leur description, étudiée a posteriori par des spécialistes de l’évolution biologique, ne révèle presque rien (quatre détails dans une certaine partie du «visage») qui les exclut de l’espèce humaine: ce sont des hommes.

Et cela est impossible, du moins si l’on veut en faire des extra-terrestres! S’ils venaient d’ailleurs, ils résulteraient d’une évolution différente, ils seraient donc différents de nous. Et il est impossible aussi qu’ils soient exactement adaptés à notre atmosphère, qui résulte d’un million de hasards. S’ils sont tellement humains en dépit d’une caricaturale anamorphose, c’est bien qu’ils sont des hommes.

Nous entrevoyons peut-être la plus grande épreuve de notre avenir

Antiquité de leur présence, technologie sur-humaine, apparence plus qu’humanoïde, refus opiniâtre du contact: ce puzzle peut-il être rassemblé? Aussi sommairement énoncé, on est tenté de répondre avec Jung que quelque obscure rêverie archétypique pourrait donner la clé de l’énigme. Mais quand on a étudié par milliers des effets physiques, des traces, des documents matériels, qu’on sait que l’explication psychologique est impossible? Oui, nous sommes des centaines, et sans doute des milliers, à nous poser cette question, à ne plus penser qu’à elle, à nous endormir, le soir, avec elle, à nous brûler les yeux sur elle, la nuit, dans le silence, quand le bruit rassurant des hommes s’est tu et que nous sentons sous notre corps assoupi la fuite de notre petite planète dans l’espace.

Voici pourtant, entre bien d’autres sans doute, une hypothèse qui expliquerait tout. Quelque part dans notre système solaire, ou en plusieurs endroits coordonnés, quelque chose – appelons cela une machine – veillerait et agirait depuis des milliers ou des dizaines de milliers d’années.

Cette machine, par des moyens dont l’énergie nucléaire, la cybernétique et le calcul électronique (technique encore dans l’enfance) nous donnent une grossière idée, résumerait en elle la puissance et la science d’une civilisation lointaine qui l’aurait envoyée là pour observer l’évolution de la vie dans les parages du Soleil et peut-être pour agir sur cette évolution. Les «soucoupes volantes» constitueraient un des moyens d’action de cette machine. Les «petits pilotes» ne seraient nullement des pilotes, mais le produit d’une manipulation biologique opérée par la machine sur des échantillons prélevés au sein de l’humanité (n’oublions pas que des dizaines de milliers d’hommes disparaissent chaque année pour des raisons naturelles et que quelques milliers de plus ou de moins passeraient de toute façon inaperçus). Ces produits d’élevage, élaborés génétiquement et domestiqués en fonction d’un but prédéterminé par les constructeurs lointains de la machine, seraient adaptés à elle et à ce but. Bien que n’étant rien qu’humains, ils n’auraient plus rien d’humain. Dès lors s’expliquerait l’absence de contact: contact avec qui? Il n’y a personne.

Je sais bien tout ce que pareille hypothèse a de révoltant. Mais, encore une fois, nous n’en sommes présentement qu’aux rêveries. La véritable explication est peut-être tout à fait différente. Peut-être faudra-t-il, pour la trouver, que l’humanité tout entière s’y mette. Peut-être entrevoyons-nous là la plus grande épreuve de notre avenir.

Et, de toute façon, rien de cela n’est pour demain: seuls quelques hommes, déjà, y pensent.

Aimé Michel

Notes:

[1] Analyse détaillée dans Mystérieux objets célestes (Éditions Présence Planète)

[2] Voir Planète n° 10 ou Le Meilleur de Planète, (Éditions Présence Planète).

[3] Au printemps 1965, le Service de la Recherche de l’O.R.T.F. préparait une émission télévisée sur les soucoupes volantes. Quelqu’un proposa qu’une tribune finale réunisse, devant la caméra, des témoins, des chercheurs et des savants connus pour leur ferveur antisoucoupiste. «On ne réunit pas autour d’une table les criminels et leurs juges», lui fut-il répondu par un de ceux-ci.

[4] Jacques Vallée: Phénomènes insolites de l’espace (La Table Ronde).

[5] Non publié.

 

Des savants déclarent

HAROLD BROWN

Secrétaire d’État à l’Air, États-Unis, devant la Chambre des représentants:

«Sur 10’147 objets volants non identifiés signalés depuis 1947, 646 restent encore un mystère complet pour la science. Il sera nécessaire de désigner un groupe d’experts pour examiner ces 646 cas.»

GIUSEPPE COCCONI et PHILIP MORRISON

Astrophysiciens à l’université de Yale, U.S.A.:

«Près de certaines étoiles semblables au soleil, il doit exister actuellement des civilisations se livrant à la recherche scientifique et dotées de moyens supérieurs aux nôtres. À de tels êtres, notre soleil doit apparaître comme un site favorable à l’essor d’une nouvelle civilisation. Il est hautement probable que depuis longtemps ils prévoient le développement de la science dans les parages du soleil, qu’ils ont établi une sorte de canal de communication destiné à être détecté par nous et qu’ils attendent patiemment une réponse en provenance du soleil, les avertissant de l’entrée d’une nouvelle civilisation dans la communauté de l’intelligence.»

FRED HOYLE

Professeur d’astronomie à l’université de Cambridge, professeur d’astrophysique au Californian Institue of Technology:

«Si nous désirons savoir combien d’étoiles autres que le soleil possèdent aussi des systèmes planétaires, il est nécessaire de considérer combien d’entre elles tournent aussi lentement que lui. Or toutes les étoiles de petite masse se comportent ainsi. Nous sommes amenés à en déduire que toutes ces étoiles possèdent des systèmes planétaires. Il doit y en avoir environ cent milliards dans la Voie lactée. Il y a donc probablement cent milliards de systèmes planétaires dans notre galaxie.»

Dr SEBASTIAN VON HOERNER

«The search for signals from others civilizations» («À la recherche de signaux provenant d’autres civilisations») «Science», 8 décembre 1961:

«On doit s’attendre soit à une intense activité de communication à courte distance (600 à 1’000 années-lumière) entre civilisations galactiques très évoluées, soit à une activité de communication peu importante ou nulle à grande distance (1’000 à 3’000 années-lumière) entre civilisations de niveau humain.»

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