Le problème de non-contact

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Le problème de non-contact

Chapitre 11 du livre collectif dirigé par Charles Bowen The Humanoids (Neville Spearman, 1967 – Traduction française En quête des humanoïdes Éditions J’ai Lu, 1974).

 

Dans ce chapitre de conclusion, je prendrai le mot contact non au sens restreint utilisé par Gordon Creighton — un échange intellectuel bref et limité à quelques individus —, mais au sens premier d’échange complet et continu entre communautés, à tous les niveaux et dans tous les domaines imaginables. Le contact auquel je me réfère est, par exemple, celui qui existe entre deux peuples dont les pays sont membres de l’Organisation des Nations unies.

1. Le premier fait évident est qu’un tel contact n’existe pas entre l’humanité et le ou les systèmes «X» responsables du ou des phénomènes O.V.N.I.

2. Un second fait évident est que cette absence de contact est elle-même le problème N° 1 présenté par le phénomène. «Le plus grand des mystères c’est: pourquoi ne se montrent-ils pas?» (Charles Fort.)

3. Un troisième fait évident est qu’ils sont ici, dans notre monde, et que nous ne sommes pas dans le leur.

4. Un quatrième fait évident est que, si le système «X» est multiple, s’il a plusieurs sources responsables, alors elles obéissent toutes également, pour autant que nos observations nous permettent d’en juger, à une loi unique sur un point précis, à savoir le refus du contact.

5. Un cinquième fait évident (démontré par l’existence du problème lui-même) est que le contact physique est possible. En effet, nous les voyons assez souvent, nous les entendons parfois, quelques-uns d’entre nous les ont touchés.

6. Toutes nos spéculations sur «le plus grand des mystères», selon Charles Fort, naissent de la confrontation de ces évidences, considérées en soi ou confrontées aux faits connus, probables ou possibles.

En conséquence…

7. De (3) nous devons déduire qu’«ils» nous sont supérieurs sur un point au moins: la technologie.

8. Pouvons-nous ajouter: Et la science? Cela semble probable, bien que non évident. Le poisson Gymnarchus Niloticus «sait» comment se frayer un chemin à travers les eaux boueuses du Nil en utilisant les tensions électriques entre son propre corps et les obstacles. Nous ne savons pas comment il s’y prend, bien que nous connaissions les lois de l’électricité et pas lui. Les fourmis engrangeuses «savent» comment conserver des graines dans une atmosphère chaude et humide sans qu’elles germent, et pourtant c’est Fleming qui a découvert les mécanismes des antibiotiques, et non les fourmis. On ne compte pas les exemples de ce genre dans la Nature. La bionique est la technique qui cherche à comprendre ces processus non humains utilisés par la Nature, bien avant leur découverte par l’homme. Le champ de la bionique est immense.

9a. Il y a donc peut-être ici une première explication de l’absence de contact: nous n’avons pas plus de contact avec «eux» que nous n’en avons avec le Gymnarchus Niloticus, parce que, pas plus que le poisson, ils ne disposent de notre type discursif de pensée. Ils ne nous dominent que comme fait le microbe quand nous sommes malades.

9b. Je m’abstiendrai de développer plus avant cette hypothèse aux possibilités indéfinies. Pour jeter un peu d’huile sur le feu, je me bornerai à signaler que, si comme certains le croient, les religions de la Bible sont des interprétations religieuses de contacts extra-terrestres (voir les livres de Brinsley Le Poer Trench et Paul Thomas), les Égyptiens, pour leur part, avaient déifié le Gymnarchus Niloticus, et pour la même raison: la nature apparemment surnaturelle de son comportement.

10. Une forme plus raffinée de (9) est la suivante: les entités réellement responsables du phénomène O.V.N.I. ne sont jamais là, et personne ne les a vues, jamais. Tout ce que nous voyons, ce sont des robots (biologiques ou non: voir en particulier, en se rappelant cette hypothèse, le cas N° 23 du chapitre de Jacques Vallée, rapporté en détail dans mon livre Mystérieux objets célestes, de même que le cas de Cisco Grove, dans le chapitre de Coral Lorenzen). Ces robots sont faits pour remplir une certaine tâche, tout comme nous avons créé des vaches à lait, des chiens de garde, des chevaux de course, des chevaux de traits, etc. La tâche (inconnue) pour laquelle ils ont été conçus ne prévoirait aucun contact avec l’humanité.

11. Parmi les arguments en faveur d’une telle hypothèse, on pourrait rappeler que dans les Livres mosaïques de la Bible, Yahweh est celui qu’on ne peut regarder en face sans mourir (quoique par faveur Moïse l’ait regardé et n’en soit pas mort); qu’il n’y eut jamais de contact avec les hommes, si ce n’est par des intermédiaires; que ces intermédiaires sont soit des hommes (Lot, etc.) soit des humanoïdes (vision d’Ézéchiel); qu’ils sont capables de se croiser avec l’humanité (origine des Géants); et qu’en conséquence, selon les normes admises de la biologie, ils appartiennent soit à l’humanité, soit à une espèce très proche de l’humanité et de même origine qu’elle.

12. On pourrait aussi indiquer que dans la plupart des cas les opérateurs semblent être ou bien humains (voir la table donnée par Gordon Creighton dans son Introduction), ou bien humanoïdes (cas très nombreux, mais voyez en particulier, chez Lorenzen, le cas de Globe, Arizona, le 9 juin 1960, si extraordinairement semblable à la description donnée le 1er juillet 1965 par le témoin de Valensole que tous deux parlent d’une courge, cougourdo en provençal, terme employé à Valensole) que ces petits humanoïdes, disais-je, s’accordent avec l’idée d’une extrapolation dans l’avenir de l’évolution passée de l’humanité (hypercéphalisation, ou gigantisme du crâne, accompagnée d’une régression de la partie végétative de la tête: mâchoire, bouche, nez, etc.). En d’autres termes, on pourrait croire qu’une technique biologique et génétique a «travaillé» la nature humaine de la façon la plus simple en se bornant à accélérer artificiellement la vitesse normale de son évolution.

13. Saluons en passant notre vieille connaissance, l’homme de l’avenir qui visite son passé. Cet intéressant personnage s’accorde à la perfection avec la description du petit humanoïde à grosse tête. Pour toutes les variations sur ce thème, voir les innombrables histoires de science-fiction et notamment les livres de Paul Anderson.

14. Mais il n’y a pas que les petits humanoïdes à grosse tête. Il y a toute une faune aberrante, de taille et de forme variées, et à laquelle les deux hypothèses (10) et (13) semblent être applicables également. Si en effet nous avons affaire à un invisible «Système X» opérant par l’intermédiaire de robots biologiques, ce Système peut avoir pris modèle sur l’espèce intelligente découverte sur la Terre, mais aussi n’importe où d’ailleurs, dans n’importe quel autre monde. Et nous ne voyons pas ce qui empêcherait notre brave homme de l’avenir d’agir éventuellement de la même façon. Pourquoi l’en priver?

15. Dans l’un et l’autre cas, il est vain de spéculer sur la «raison» du non-contact, puisque les motifs de ce comportement se trouvent par hypothèse au delà de la raison, qui est l’outil psychologique de l’homme contemporain. Le poids du cerveau humain est environ le double du poids du cerveau du primate vivant le plus évolué. Est-il sémantiquement possible d’exprimer, au niveau de ce primate, les motifs qui me poussent à écrire ces lignes? Non, bien sûr. Or, la loi du carré-cube appliquée aux dimensions relatives de l’«encéphale» vu à Valensole, à Globe et ailleurs, et à celles du cerveau humain, suggère que nous devrions attribuer au cerveau du petit homme de Valensole une masse de plus de 8 ou 10 livres, c’est-à-dire au moins trois fois plus grosse que la nôtre. Et puisque nous en sommes à conjecturer, supposons que cet encéphale soit composé, comme le nôtre, de neurones et de névroglies. Nous en possédons au moins 2 X 1010. L’humanoïde à tête de citrouille en aurait, disons 6 X1010. Voici donc une question à poser aux cybernéticiens: combien d’interconnexions peut-on escompter de 6 X 1010 neurones? Infiniment plus de trois fois que nous n’en usons, évidemment.

16. Notons que si les spéculations sont valables, elles le sont en toute hypothèse, et non pas seulement dans les cas (10) et (13). Même s’il n’est ni le produit d’un croisement ou élevage spécial ni un homme de l’avenir, notre humanoïde à tête de citrouille dispose d’un «encéphale» au moins trois fois plus massif que le nôtre.

17. Dans le passé préhistorique de l’homme, nous trouvons une évolution parallèle des techniques et du poids de l’encéphale, la seule exception étant l’homme de Néanderthal avec son crâne souvent plus volumineux que le nôtre (mais l’exception disparaît si nous ne considérons que le néocortex). La technologie des O.V.N.I et les dimensions de la «tête» des humanoïdes à tête de citrouille sont d’accord avec cette loi. Ceci est un argument en faveur de la nature surhumaine de la pensée qui anime quelques-uns au moins des O.V.N.I.

18. J’ai supposé depuis (10) que le contact n’existait pas, parce que l’agent ou les agents réellement responsables sont invisibles ou absents. Une variation effrayante de cette hypothèse serait que ce «Système X» ne fût pas un être vivant, mais bien une machine. Un robot colossal doué de pouvoirs et de connaissances formidablement supérieures à ceux de l’humanité pourrait se trouver depuis bien longtemps, peut-être depuis le commencement de la vie terrestre, garé sur une orbite ou sur quelque planète inhabitée de notre système solaire. Il aurait observé, agi, et manipulé les événements et les êtres de la Terre depuis un temps indéfini, par l’intermédiaire des O.V.N.I. et de créatures vivantes fabriquées et éduquées à cet effet. Les processus de l’évolution biologique, si rebelles à toute explication, seraient son œuvre, et par conséquent l’homme lui-même aussi. Ceci est bien entendu une hypothèse sans fondement, mais en ufologie la règle est de penser à tout et de ne croire à rien. On doit penser à tout, y compris à la petite planète fantôme vue si souvent au cours du XIXe siècle au-delà de Mercure que Le Verrier en calcula l’orbite. Après quoi on cessa de la voir, et Asapha Hall découvrit autour de Mars, jamais vus jusqu’alors, Phobos et Deimos, dont les orbites, paraît-il, ne peuvent pas s’expliquer par la mécanique céleste, et que l’astrophysicien Shklovsky tient pour des satellites artificiels.

19. Envisageons à présent l’autre hypothèse: que les opérateurs vus au sol sont bien eux-mêmes les agents responsables du phénomène O.V.N.I.: ils sont le Système X.

20. C’est à ce point que nous devrions examiner les allégations des «contactés», Adamski, Menger, Kraspedon, Angelucci et d’autres, qui affirment justement que les pilotes des soucoupes volantes sont aussi leurs constructeurs. Ils sont (disent les «contactés»), les moteurs et auteurs de cette civilisation inconnue qui nous rend visite; et de plus, ils ont contacté et continuent de contacter certains hommes (les témoins prétendus).

21. Une première difficulté est que les assertions de ces «témoins» ne concordent pas entre elles, ce qui suggère que plusieurs sûrement et toutes peut-être sont fausses. On doit donc tout particulièrement avec elles avoir recours à la méthode et à l’analyse pour discerner celles qui sont authentiques, s’il y en a.

22. Sans même se prononcer sur la valeur des analyses et des critiques qui ont déjà été proposées (y compris la mienne), on ne peut que constater qu’elles ont conduit les chercheurs en ce domaine à des conclusions presque unanimement sceptiques. Ceux qui croient en un (ou plusieurs) de ces récits de contactés sont une très petite minorité des ufologues, lesquels sont à leur tour une très petite minorité de l’humanité. Nous sommes donc dans tous les cas ramenés à notre première hypothèse, à savoir le non-contact. Même si le contact existe, l’espèce humaine dans son ensemble en est exclue. Les contactés peuvent bien parler tant qu’ils veulent de leur prétendu contact personnel avec les extra-terrestres, mais pour ce qui est de l’humanité dans son ensemble, ce contact est évité.

23. Je dis qu’il est évité par eux, et non par nous, car si l’on peut atterrir à Valensole pourquoi pas aussi devant le Palais des Nations unies?

24. Plusieurs ufologues européens de très grande compétence prenant acte de ce refus de contact, l’interprètent comme un défi à la dignité et à la conscience de l’humanité. Ils soutiennent que l’assertion répétée de l’Armée de l’Air américaine selon laquelle «les O.V.N.I. ne constituent pas une menace contre notre sécurité» est fausse et dangereuse, et qu’il faut réexaminer la question de savoir si notre attitude envers eux doit être amicale ou non.

25. Une allégation souvent répétée, même par des savants, est que «ces êtres, puisqu’ils possèdent une technologie si avancée, sont forcément rationnels comme nous, et qu’en conséquence, si nous en avions l’occasion, nous pourrions facilement établir le contact».

26. Notons toutefois qu’il n’existe aucune définition scientifique du mot «raison». L’histoire des techniques, de l’Âge de la Pierre à la fusée, ne montre aucune discontinuité révélant l’apparition de la «raison». Il est difficile de voir pourquoi la progression continue qui, depuis l’Australopithèque, est arrivée jusqu’à nous, devrait s’arrêter à nous, puisqu’elle ne s’est jamais arrêtée jusqu’à maintenant et n’a fait en réalité que s’accélérer. Et si elle doit continuer dans l’avenir comme par le passé, on ne voit pas pourquoi elle n’en viendrait pas à produire des différences psychiques plus grandes même que celles qui nous séparent de 1’Australopithèque et des primates de l’ère tertiaire. L’idée mentionnée en (25) est donc une pseudo-idée, une phrase vide de signification.

27. Bien que nous admettions tous volontiers que l’activité ufologique puisse relever d’un niveau de pensée surhumain, il semble que la majorité d’entre nous persiste à ne pas voir l’implication inévitable d’une telle surhumanité, celle d’une part irrémédiablement incompréhensible se manifestant par des contradictions et des absurdités.

28. Sans doute est-ce la raison pour laquelle le matériel ufologique réuni au long des vingt-sept dernières années ressemble à un rêve du fou que les psychiatres sont toujours tentés d’interpréter en termes de psychiatrie: le rêve est bien en fait le seul spécimen accessible d’une pensée plus vaste que la pensée consciente de l’homme. Le rêve a été le seul exemple accessible d’une telle pensée jusqu’à l’apparition des O. V.N.I.

29. Reconnaître le caractère surhumain de la pensée qui anime les O.V.N.I. n’est pas une attitude défaitiste, mais bien plutôt réaliste. Il vaut mieux reconnaître ce à quoi on a affaire que refuser de regarder.

30. Depuis les premiers âges de l’humanité, il existe une attitude mentale particulière de l’homme à l’égard d’une pensée supposée supérieure à la sienne: c’est l’attitude religieuse. Jusqu’à maintenant, la pensée humaine ne s’est jamais exercée à aucune catégorie de pensée supposée surhumaine dans un contexte autre que religieux.

31. Peut-être ce fait explique-t-il à la fois les déviations religieuses de 1’«ufolâtrie de contacté» et le blocage psychologique du rationaliste a-religieux. Ces deux catégories d’esprits reconnaissent également dans le phénomène O.V.N.I. l’opération d’une pensée surhumaine, mais considérée comme religieuse avec délices par la première catégorie et avec horreur par la seconde.

32. Il existe donc une difficulté particulière à la recherche ufologique: celle d’appliquer à une phénoménologie surhumaine les seules méthodes de la science en excluant toute attitude mystique.

33. La première conséquence de (27) est que ni l’absurde ni le contradictoire ne doivent être exclus en tant que tels. Quand ils apparaissent, nous devons les enregistrer tout comme le reste. Les exemples d’absurdité apparente sont très nombreux, et nous découvrons presque toujours un ou deux détails absurdes dans tout cas bien rapporté, spécialement dans la catégorie de Type 1. Quelques cas, comme l’affaire de la ferme Kelly-Hopkinsville, sont de véritables festivals d’absurdité. On ne devrait jamais oublier que dans toute manifestation présumée surhumaine, l’absurde apparent est précisément ce à quoi l’on doit s’attendre. «Pourquoi te donnes-tu tant de peine pour ta nourriture et ta maison, me demandait mon chat, et pourquoi tant d’agitation alors qu’on trouve tout ce qu’il faut dans une bonne poubelle et qu’on est si bien abrité sous la première auto venue?»

34. Peut-être les contactés eux-mêmes devraient-ils être étudiés à nouveau sous cet angle. Si le contact est évité (et il l’est), la meilleure méthode pour déconcerter les chercheurs ne serait-elle pas d’opérer des contacts absurdes?

35. Le mimétisme des cas de Type 1 devrait peut-être aussi être étudié dans cette perspective. Pendant la vague de 1896-1897, les objets vus au sol ressemblent à une hybridation entre les ballons dirigeables de Krebs et de Renard (1884) et les petites locomotives du Far-Ouest (voir la Flying Saucer Review, vol. 12, N° 4, juillet-août 1966, illustration de couverture). Après 1847, les O.V.N.I. sont aérodynamiques, comme les engins terrestres. Depuis 1964, c’est une nouvelle fois le baroque. Parfois aussi, ils portent des signes et marques terrestres. Certains cas de cette sorte ont pu être contrôlés et démontrés parfaitement authentiques. Mais ils sont tellement absurdes (parce que mimétiques) que l’on n’ose pas en parler. Aucune recherche utile ne pourra être entreprise, tant que l’absurdité nous donnera des complexes.

36. On voit alors avec quelle prudence il faut aborder la question de savoir quel est finalement le sens de tout cela. En fait, rien n’indique que le fond du phénomène ne soit pas inaccessible à la pensée humaine. Toutefois, il n’est peut-être pas nécessaire d’atteindre à ce fond ultime pour répondre à toutes les questions que les hommes peuvent se poser sur le phénomène O.V.N.I. Le moustique qui se pose sur moi ne sait absolument rien de ma structure et de mes pensées. Mais il sait tout ce qui peut intéresser un moustique, puisqu’il peut me piquer en toute impunité.

37. En définitive, toute spéculation sur le phénomène O.V.N.I. ne peut avoir qu’un seul objet utile: nous apprendre à nous débarrasser de toute idée, préconçue, consciente ou inconsciente, et à ne regarder que les faits, et les faits seuls. Le reste n’est qu’inutile jeu d’enfant.■

Aimé Michel

 

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