Les invectives de Diogène
L’équarrissage des papas
Chronique parue dans la revue Atlas Air France n°85 de juillet 1973
Allez, allez ceux qui disent qu’on n’apprend plus rien à la Sorbonne sont des médisants.
L’autre jour, entrant par la porte de la rue des Écoles, j’ai vu par exemple ceci, écrit à la craie sur le mur de droite: «Papa, il faut que tu crèves.»
Comme vous le savez sûrement si vous avez fait vos études à la Sorbonne, je ne suis pas papa. Pas papa du tout. Donc, je peux considérer l’enseignement de la Sorbonne en toute sérénité.
Les papas, à quoi ça sert? Ils vous ont procréé, vêtu, nourri. Bon. Moyennant quoi ils prétendent vous imposer leur société sous le prétexte que ladite société leur assure le travail qui vous nourrit, vous vêt.
Mais en réalité (je poursuis ma réflexion), il est clair que les papas n’ont qu’un but, celui de vous enquiquiner. Car leur société est castratrice et répressive, c’est officiel, Freud l’a dit il y a à peine soixante-dix ans. Si c’était faux, ça se saurait. Ce serait écrit sur les murs de la Sorbonne, où l’on sait tout.
De plus, l’histoire que nous servent les papas ne tient pas debout. Bon. Vous devez bien reconnaître que le problème est résolu s’ils crèvent, puisque alors, d’une part, leur société pourrie n’existera plus et que, d’autre part, c’est à nous directement qu’elle donnera cet argent dont nous avons besoin. Vous voyez bien qu’il faut que les papas crèvent pour que la société cesse de nous châtrer et que nous ayons tout, tout de suite.
Je pense que c’est clair. Il faut exterminer les papas, et le plus tôt sera le mieux. Je pense même qu’on ne s’y prendra jamais assez tôt pour les extirper. Pourquoi attendre que le mal soit fait?
Écoutez-moi bien, je vais vous dire, moi, ce qu’il faut faire.
Il faut équarrir les papas avant qu’ils aient procréé, disons par exemple dès l’âge de dix-huit ans au plus tard. Ainsi le mal sera tari à sa source.
À la rigueur, s’ils me le demandent poliment, en promettant, juré craché, de ne pas m’imposer leur société pourrie, j’accepterai — oui, j’irai Jusque-là — de seulement les chaponner.
Mais attention! En les gardant à l’œil! La société libérée des papas devra être protégée par un corps de fonctionnaires courtois, mais fermes et munis de bâtons, toujours prêts à mater l’insubordination des candidats papas.
C’est que, voyez-vous, avec les papas, on ne prendra jamais assez de précautions!■
Diogène.