
Une science officielle des mystérieux objets célestes naît aux U.S.A.
Article paru dans Planète N°28 (Le Journal de Planète) de mai / juin 1966
Quelque chose est en train de se préparer dans les milieux scientifiques américains intéressés par le problème (toujours couvert par le secret militaire) des soucoupes volantes. Divers indices concordants donnent en effet à penser que l’on assistera bientôt, peut-être au cours de l’année à venir, à la révolte des savants contre les commissions de l’Armée — et spécialement celle de l’USA-Air Force — qui considèrent depuis dix-neuf ans ce domaine comme leur chasse gardée.
Quand, au début du mois d’août dernier, une extraordinaire vague d’observations déferla sur les États du Middlewest et que les porte-parole de l’aviation américaine l’eurent une fois de plus «expliquée», ce fut, pour la première fois dans l’histoire du phénomène, un concert de protestations du côté scientitique. Il faut dire que le major Quintanilla, chef de la commission de l’Air Force, y était allé un peu fort: il avait déclaré que les témoins n’avaient pas su reconnaître la planète Jupiter et les étoiles Rigel, Capella, Bételgeuse et Aldébaran. Or, les observations les mieux attestées concernaient des objets posés au sol par temps couvert, provoquant des effets électromagnétiques tels que circuits électriques perturbés, moteurs d’autos calant, pannes de télévision et de radio. Dans un certain nombre de cas, les radars confirmaient les déclarations des témoins.
— Ordinairement, remarqua ironiquement le conseiller scientifique de l’agence United Press, les radars n’obtiennent aucun écho des étoiles.
Et le professeur Robert Risser, directeur du Planetarium d’Oklahoma City:
— Il était impossible de proposer une explication aussi absurde: ces étoiles se trouvaient de l’autre côté de la Terre au moment de la vague.
Un livre-bombe
Mais il y a plus significatif encore. Au printemps 1965 paraissait à Chicago un petit livre intitulé Anatomy of a Phenonenon, c est-à-dire Anatomie d’un phénomène[1]. Il était signé du nom d’un jeune astronome, Jacques Vallée, ancien research associate à l’observatoire Mac Donald, travaillant pour la NASA au projet de carte de la planète Mars, et qui constituait la plus féroce démolition des méthodes employées par l’USA-Air Force pour «étudier» et «expliquer» les «soucoupes volantes». L’auteur, qui avait eu accès aux dossiers de l’Air Force, exprimait son effarement devant la nullité des enquêtes, l’absurdité des classifications, l’infantilisme des méthodes, et montrait finalement que les militaires, par incompétence ou pusillanimité, ou les deux, n’avaient pas cessé, depuis la création de leur prétendue commission d’enquête, de mener le monde scientifique en bateau. La partie la plus étonnante du livre révélait que le phénomène «soucoupe», loin de se présenter sous les aspects incohérents que lui attribuaient les communiqués de l’Air Force, offrait en fait une structure, et que l’on pouvait classer ses diverses manifestations en quatre ou cinq types bien définis ne relevant d’aucun autre phénomène connu, exactement comme s’il se fût agi d’un phénomène réel. La conclusion implicite, mais parfaitement limpide, de ce livre révolutionnaire était la suivante: «On s’est moqué de nous. Le phénomène «soucoupe» est bien réel. Il faut reprendre son étude de zéro.»
Anatomy of a Phenomenon fit et continue de faire un bruit considérable dans les milieux scientifiques américains. Mais nous avons deux raisons supplémentaires de nous intéresser à ce livre en France. La première est que son auteur est un Français. Il s’appelle Jacques Vallée, il a fait ses études en Sorbonne, puis à l’observatoire de Lille où il fut l’élève de M. Kourganoff. Il devint ensuite le collaborateur de M. Muller, à l’observatoire de Meudon, avant d’être appelé à l’observatoire Mac Donald, par un astronome français de réputation mondiale émigré aux États-Unis, Gérard de Vaucouleurs. Outre ses compétences astronomiques, Jacques Vallée est un spécialiste du calcul électronique. Il semble que ce soit par le biais des méthodes de classification qu’il a été amené à s’intéresser au problème des soucoupes volantes.
Des crédits importants
La deuxième raison est que Jacques Vallée vient de publier en français aux éditions de la Table Ronde[2], un livre encore plus approfondi sur ce problème si discuté.
Préalablement à toute question de substance, ce livre confirme bien ce que nous écrivions plus haut, à savoir la révolte des scientifiques américains. Une part essentielle de son texte concerne en effet l’étude approfondie, par simulation sur ordinatrice IBM 1 620, des réseaux découverts en 1957 par Aimé Michel à l’occasion de la vague d’observations européennes de 1954. Un de nos amis physiciens nous a fait remarquer à ce propos qu’une telle masse de travail sur une telle machine représente entre 30 et 60 millions d’anciens francs de crédits de recherche. Il est donc évident que le travail de Vallée s’inscrit dans un cadre qui suppose le soutien d’un organisme, l’approbation d’une commission (il semble que cet organisme soit tout simplement l’université de Chicago). Nous sommes donc en présence de quelque chose de tout à fait nouveau, qui est la naissance d’une science officielle des soucoupes volantes, enfin libérée de l’emprise militaire.
D’autres faits confirment cette supposition. Jacques Vallée a travaillé sur environ 17 000 cartes perforées comportant des cas inconnus du public. II produit des documents en provenance d’organismes officiels. Tout cela suppose un réseau et des appuis autres que les réseaux et les appuis de chercheurs privés. La connaissance approfondie de l’ensemble du problème dont témoigne le livre trahit, elle aussi, le travail d’une équipe.
La substance du livre n’est pas moins révolutionnaire (dans le cadre de la science officielle) que les moyens mis en oeuvre. Certes, Jacques Vallée garde tout au long de son texte une attitude systématiquement critique. À propos des réseaux d’Aimé Michel, par exemple, on le voit passer rapidement sur ce qu’ils ont d’inexplicable. Les alignements de six ou sept points, qui résistent à l’interprétation par le hasard (et Vallée en convient), sont traités trop sommairement. Mais le résultat final d’une analyse aussi délibérément tournée vers la réfutation n’en est que plus remarquable: car tout n’est pas réfutable, et Vallée est obligé d’admettre que la soucoupe volante est bien un phénomène réel.
L’inconnu frappe à la porte
Cette structure, qui résulte, elle aussi, de la manipulation automatique, par ordinatrice, des cartes perforées, correspond bien à l’image qu’Aimé Michel donnait déjà dans son ouvrage fondamental. C’est celle d’une famille d’engins dotés de performances inexplicables dans le cadre de notre physique actuelle, mais d’une remarquable cohérence quand on suppose résolus un certain nombre de problèmes sur lesquels la science terrestre achoppe encore. En d’autres termes, tout ce que l’on sait maintenant des soucoupes volantes suggère avec une force de plus en plus irrésistible qu’une technologie non humaine est sans cesse présente au voisinage immédiat de la surface terrestre et bien décidée à échapper à notre étude directe. Par qui ou par quoi est manipulée cette technologie, à quels desseins obéit-elle, obéit-elle même à un dessein formulable dans le cadre de notre logique, c’est ce qui demeure pour l’instant inconnu[3].■
Stéphane Arnaud*
Notes:
[1] Jacques Vallée: Anatomy of a Phenomenon (Regnery, éditeur. Chicago).
[2] Jacques Vallée: Phénomènes insolites de l’espace (Table Ronde. Paris ).
[3] Nous publierons prochainement dans notre collection: Présence Planète une édition très augmentée du livre classique d’Aimé Michel, Mystérieux objets célestes. Dans cette nouvelle édition, l’auteur fait le tour complet de l’énigme des soucoupes volantes telle qu’elle se présente en mai 1966.
[*]Pseudonyme parfois utilisé par Aimé Michel dans Planète